(À voir comment les lenteurs administratives nous compliquent l’existence, j’ai eu le goût de mettre mon point d’interrogation entre parenthèses dans le titre, tellement j’avais plutôt le goût de mettre un point d’exclamation ou, carrément, un “smiley” la bouche “par en bas”…)
Il semble assez évident pour quiconque est juste un peu “branché” qu’Internet est devenu un réseau de plus en plus présent dans notre société, au point où tous les acteurs principaux s’y sont mis et ont maintenant pignon sur web.
Un peu d’histoire…
Dans cette même foulée, on a eu droit, au Québec en 1996, au plan Marois, il y a donc longtemps jadis, du temps que l’actuelle chef du PQ était ministre de l’éducation. Ce plan prévoyait l’achat massif de “quincaillerie“, d’ordinateurs, mais absolument rien au départ pour les logiciels et pour la formation des enseignants… Disons que ça partait mal… Il y a bien eu quelques formations depuis, ainsi qu’un maigre budget consacré à l’époque à l’achat de logiciels se limitant très souvent à LA suite bureautique Office, vendue à fort prix, bien entendu, de même que les systèmes d’exploitations Windows dont les licences coûtaient la peau des fesses aux commissions scolaires. Une bonne occasion d’affaire pour Microsoft, mais des budgets limités pour vraiment innover dans des trucs plus pédagogiques et qui favorisent l’apprentissage moins “périphérique” que celui des menus Word…
Depuis, la situation (au secondaire) s’est un tant soit peu améliorée, du côté des équipements. On a désormais droit à quelques projecteurs qu’on se partage à plusieurs enseignants, nécessitant une logistique qui tient parfois de la prouesse acrobatique ou temporelle…
Un exemple : je veux me servir d’un projecteur pour un cours. Je dois réserver ledit projecteur. Ensuite, je dois aller le chercher au secrétariat où il est entreposé en sécurité. Comme beaucoup d’enseignants moins zélés (ou dont les priorités budgétaires sont ailleurs) n’ont pas d’ordinateurs portables (payés à même leur budget personnel, sans aucune déduction fiscale) et que ce sont loin d’être toutes les classes qui ont au moins un ordinateur (notre école dispose de laboratoires de 33 postes, qu’on doit aussi réserver et utiliser toute la classe en même temps…), on a placé un ordinateur portable avec chaque projecteur, ce qui fait une boîte passablement lourde, qu’on doit trimbaler dans les escaliers, etc.* Par la suite, si mon autre cours est dans une autre section (pavillon) de l’école, je dois aller reporter le projecteur audit secrétariat pendant la pause de 10 minutes, puis me rendre dans l’autre pavillon pour aller chercher un autre projecteur (réservé, lui aussi, au préalable) dans un autre secrétariat sécurisé, puis me rendre dans l’autre classe avec une autre boite lourdaude… Bref, vous voyez très bien le genre de course physiquement exigeante qu’on doit se taper pour utiliser une simple technologie en classe. Fastidieux, décourageant… Faut vraiment vouloir !
Et je n’ai parlé que du projecteur, là. Et si j’essaie de faire déplacer un groupe dans un autre pavillon pour pouvoir bénéficier du même local (et que j’ai au préalable vérifié si ça entrait bel et bien dans l’horaire !!!), on me répondra que les parents se sont fait vendre une école pavillonnaire où leurs enfants sont en sécurité, chacun dans son pavillon… Mais ils doivent cependant se déplacer pour les gymnases (cours d’éducation physique) de même que pour certains cours à option (les arts en général), etc. Sans compter les déplacements sur l’heure du dîner… Bref, un argument qui finit par difficilement tenir la route plus que quelques nanosecondes.
On nous a parlé, en fin d’année passée, de l’avènement des TBI (tableaux blancs interactifs). J’ai su récemment qu’on se proposait d’en installer, oui, mais dans les laboratoires d’informatique, là où trônent déjà 33 ordinateurs. Qu’elle est alors l’utilité du TBI ? Je pensais que ces TBI (quoiqu’on en dise – magistral fancy, etc.) pourraient compenser pour l’absence de plusieurs ordinateurs dans chaque classe… **
Bref, on nage dans l’Administratif (avec un grand A) qui pense en chiffres et aussi en terme de marketing, de sécurité, de beaux tableaux (pas les TBI, mais les tableaux Excel ;-)) et qui, surtout, a peur de favoriser quelqu’un plutôt qu’un autre. Égalisation ou nivellement, appelez ça comme vous voudrez, le tout gouverné par une peur extrêmement grande, la peur de créer un précédent. Or, pas de précédent, pas d’innovation, non ? Donc, l’Administratif oublie souvent le concret de la vie, comment les choses sont parfois plus ou moins invivables sur le terrain, au quotidien, loin des bureaux et des calculs d’égalisation ou de nivellement théoriques… On oublie surtout, tout le côté pédagogique, les apprentissages au centre desquels toutes ces “politiques d’achat” et les “politiques d’utilisation” devraient être élaborées.
En fin de compte, c’est un peu comme si on disait : «Utilisez les TIC avec vos élèves, mais tout le système va faire finalement en sorte que RIEN ne vous facilitera la vie et que si vous ne les utilisez pas, la vie va finalement être bien plus facile»… Bien sûr, personne ne DIT ça, mais dans les FAITS, dans la VRAIE VIE, ça finit par se traduire exactement comme ça. Démotivant.
Et je n’ai pas encore parlé de la bande passante qui obsède littéralement nos gestionnaires à la CS, entre autres parce que le fournisseur Internet gère les données ou vend son accès de cette façon aussi, peut-être… En cette ère des réseaux qui se multiplient sur la Toile – et du potentiel incroyable qui laisse poindre le bout de son nez -, comment peut-on en arriver à cette conception rétrograde de l’utilisation des TIC, qui fera en sorte que plusieurs enseignants vont reculer et finir par se dire qu’Internet, c’est pour n’importe qui SAUF pour les écoles.
Va-t-on une fois de plus manquer le bateau et faire reculer l’école non pas au XXe siècle, mais au XIXe si ça continue ainsi ? Va-t-on passer à côté d’une véritable (r)évolution du système d’éducation ? Va-t-on laisser l’éducation des enfants voguer ou surfer n’importe comment en n’étant pas ACTEURS sur le plan technologique qui prend de plus en plus toute la place ? Va-t-on laisser la technologie évoluer n’importe comment en se désengageant de l’éducation nécessaire sur la Toile comme dans toute société ?
Et, finalement, allons-nous (ceux qui croient encore aux TIC) devoir évoluer complètement HORS du système d’éducation ?
Je commence très sérieusement à me poser toutes ces questions, à force d’avoir l’impression de me battre contre des (très gros… énormes) moulins à vent !
*Mise à jour 1, avant publication :
Dans mon pavillon, on a enfin eu droit de laisser un des 2 projecteurs au 2e étage : bravo ! Un petit, très petit, pas, certes, mais au moins il est dans la bonne direction !
**Mise à jour 2, toujours av
ant publication :
Cette idée de placer un TBI dans le laboratoire d’informatique (laboratoires qui éloignent les technologies des classes le plus souvent) commence à être plus ou moins abandonnée à force de réfléchir ensemble, quelques profs et la direction… En espérant que ça continue en ce sens !
Textes complémentaires à lire :
Bruno Devauchelle
Infobourg
Sociologie des organisations
Les jeunes et Internet : usages et pratiques
Mêmes problèmes chez nous. Le mot «argument» pour l’évocation de l’école à pavillons et de sa sécurité ne convient pas du tout…lol
J’ai dû demander à mes élèves d’aller voir une vidéo sur Youtube, en devoir, parce que je n’ai pas de prise Internet dans mon local de classe. C’est ri-di-cule. J’aurais pu faire des changements de locaux, mais ça devenait trop compliqué. Le plus simple: installer les projecteurs dans les classe et avoir accès à Internet sans fil dans toute l’école.
ça me désole de lire ça !
Vous avez fait tant de chemin les uns et les autres : c’est trop bête !
Il y a un moment ou la bonne volonté et la motivation ne suffisent plus !
@Safwan : ta solution est trop simple 🙂 Et les accès sans fil ont une sécurité plus agressive (gracieuseté des sé(r)vices informatiques des CS) et les routeurs une portée très limitée quand l’école est disposée horizontalement sur des centaines de mètres…
Complexité vs complication !!! (André Roux va se reconnaître s’il passe ici ;-))
@Florence : merci de ta compassion (souffrir avec). Les élèves eux-mêmes nous aident à garder le sourire malgré les embûches fort nombreuses qui minent notre énergie. Pas surprenant que les jeunes enseignants abandonnent après 3-4-5 ans… Faut vraiment être fait fort pour vouloir innover. Vraiment…
J’étudie dans le domaine (génie informatique) et d’une certaine façon ça me passionne ce que vous écrivez. Je veux savoir dans quel sens notre système d’éducation bouge.
La première étape c’est d’identifier les problèmes. Je pense que vous le faites très bien.
Je dois dire que j’ai terminé l’école secondaire en l’an 2000 et que le tout en était à ses balbutiements pour l’arrivée d’Internet dans les écoles.
À vous lire j’ai l’impression que tout n’a pas évolué dans le bon sens, même si je suis déjà au courant de certains faits.
Enfin, les trucs ridicules que peuvent faire la bureaucratie peuvent nous surprendre à chaque fois! Au moins, de ce que j’en comprends, c’est que vous devez le faire savoir à une personne (la direction) et cela a l’air de changer: ce qui est encourageant!
Maintenant, j’ai aussi l’impression en lisant votre message que l’école a l’air vraiment beaucoup dépendante de ce que décide la commission scolaire. Je trouve ça complètement ridicule. C’est de cette façon que le tout nivelle par le bas si je comprends bien. La commission scolaire n’a pas assez d’argent pour faire le même programme dans toutes les écoles? Elle fait donc celui qui revient le moins cher afin de pouvoir faire partout pareil?! C’est un peu fou!
Malgré que je pense tout de même que les commissions scolaires devraient jouer un rôle afin de valider les programmes d’enseignement afin de s’assurer qu’ils soient de qualité, je pense que les écoles devraient avoir plus d’autonomie, au moins en ce qui a trait aux TIC!
Bref, quelques pistes de solutions, si vous pouvez faire avancer les choses: regarder Révolution Linux, je pense qu’ils ont des programmes intéressants et peu coûteux: http://www.revolutionlinux.com/
Ensuite, je ne sais pas à quelle école vous enseigner… mais vous affichez Québec dans votre profil, donc peut-être regarder avec Zap Québec afin de fournir un accès sans-fil aux écoles? Je pense que ça serait génial! Enfin, ça se fait très bien à Sherbrooke à l’Université et au cégep avec Zap Sherbrooke (en fait je n’en sais rien pour les écoles secondaires si cela a été tenté d’être implanté…)
Et aussi, de grâce, s’il vous plaît, n’attendez-pas après l’administration pour qu’ils vous donnent des formations sur l’utilisation de tel ou tel logiciel! Allez au devant, innovez! On a pas besoin de l’administration pour ça…
Par exemple: dans mon stage je vais avoir besoin de programmer en C#, est-ce que j’attends que l’entreprise pour laquelle je travaille me donne une formation en C# pour apprendre ce langage de programmation? Non!
Mais je n’ai pas de doute que vous devez sans doute le faire, vous avez l’air dynamique!
Question de curiosité: vous enseignez quelle matière?
Bonjour Simon et bienvenue ici 🙂
L’école a un peu d’autonomie dans l’administration du budget (des budgets, car tellement de tiroirs et sous-tiroirs que c’en est ridicul, ça aussi!), mais elle est aussi esclave de certaines décisions prises soit à la CS, soit au MELS…
Linux : nous avons déjà des serveurs non Windows (Linux), entre autres pour un des réseaux, mais je ne sais plus lequel, puisque tout est transparent pour l’utilisateur…
Ici, le technicien est un gars très ouvert, beaucoup plus que ce qu’un conseiller pédagogique m’a rapporté de ce qui se passe à la CS…
La formation, il y a longtemps que je me la donne moi-même, dans le sens où je vais la chercher partout sur le Net : beaucoup plus de réponses à mes besoins que les formations dites officielles auxquelles nous invitent fortement nos directions !
On a du sans fil dans notre école, mais les routeurs ont une portée trop limitée : elle est limitée aux salles de profs, ou presque. L’école se divise en 5 pavillons et fait plus de 800m de long alors… Pour avoir du sans fil partout dans l’école, il faudrait 10 fois plus de routeurs au minimum… Et ils sont configurés avec filtration plus agressive que les connexions avec fil, alors on doit parfois se battre avec des détails insignifiants qui font perdre du temps. Une chance, ici, le tech est très coopératif et agit très rapidement et efficacement quand on lui signale les aberrations des configs de base.
Le nivellement par le bas existe au niveau de la CS, mais aussi parfois entre les pavillons ou entre les profs, pour ne pas avantager personne au détriment d’un autre… Plus ou moins = non-sens, puisque ça paralyse les innovateurs jusqu’à ce que tous veulent aller dans une direction. Trop long, trop lent… trop tard parfois !!!
Enfin, j’enseigne le français depuis 5 ans sur deux niveaux et j’ai enseigné plein d’autres trucs auparavant… Longue histoire !
Billet (tout comme le blogue) très intéressant! Je me régale. Merci. J’ai tellement de mal à trouver* des profs qui s’intéressent aux TIC et qui sont prêts à faire beaucoup d’efforts (puisque personne ne nous facilite la vie) pour les intégrer dans leur enseignement… Cela me remonte le moral de voir qu’il existe des profs comme vous.
Merci pour votre blogue, très éclairant et bourré d’info.
Céline
Alias Fleette
* Prof de FLS, je fais également mon doctorat dans le domaine de la formation aux TIC des enseignants de français langue seconde du Québec. Je reviendrai donc souvent ici 🙂
Bienvenue ici Céline (Fleette) !
Bonnes lectures
J’arrive bien tardivement mettre mon grain de sel, ma toiture m’ayant fait prendre beaucoup de retard.
Les choses importantes d’abord : est-ce que fiston est là ? Peux-tu enfin le prendre, le respirer ? Faudra nous le dire. Et n’oublie pas : quand bébé dort, maman aussi doit dormir !
Bon, passons maintenant aux choses TIC. Après l’étape de l’accessibilité à l’équipement, viendra un autre problème encore plus important à mon avis, celui des ressources à l’élaboration de matériel didactique. Pour ma part, je me considère privilégiée. J’ai pour tous mes cours accès à une classe multimédia (projecteur et ordinateur), le département de génie électrique avec lequel je collabore m’a même prêté une tablette PC que je peux brancher dans mes salles de classes et utiliser avec presque la souplesse d’un tableau blanc électronique. Or, le problème, c’est que maintenant, il me faut construire du matériel didactique et pour cela, il n’y a aucune ressource qui me soit attribuée. Je passe donc des heures, des soirées entières, des fins de semaine à apprendre de nouveaux logiciels, à programmer des activités d’apprentissage, à créer des animations, à préparer des visualisations, à répondre à mes étudiants en ligne. Quand je considère mes collègues qui eux prennent le temps d’avoir une vie, je me dis que le virage TICE est loin d’être fait.
@Missmath: C’est évident qu’il est de ces choses qui sont énormément “time consuming”, je te l’accorde !
Mais par la suite, elles doivent permettre de faciliter la vie, après l’investissement en temps du point de départ… Ça c’est la théorie. Car par la suite, on trouve d’autres idées et on cherche à les concrétiser. Je sais que ça diminue le temps de vie hors école (on ne peut plus dire hors les murs de nos jours, car les murs s’éclatent de plus en plus, même si plusieurs autruches refusent de le voir…)
Alors j’en suis encore à l’étape 1 de ta description, ne sachant même pas si je pourrai véritablement me rendre à l’étape 2 un jour… du moins DANS le système, car HORS système, alors là c’est déjà possible, mais encore plus “time consuming” !!!
Et avec le baby counter ci-dessous ou à droite, le “time” dans “time consuming” va jouer un rôle de premier plan, essentiel !
Content de savoir que tu existes encore et que ta tête est au sec sous une toiture neuve 🙂