Être bon à l’école, est-ce une bonne chose?


À la demande de Jean Desjardins, je publie ici ce billet, publié à l’origine sur le défunt Blogue du RAEQ par  Amine Tehami, en septembre 2009.
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«Plus tôt cet été, Stéphane Laporte écrivait:


Vous connaissez Are You Smarter Than a 5th Grader? Au Québec, ça s’intitule Êtes-vous plus brillant que Charles Lafortune? On y constate souvent que les élèves en cinquième année sont plus intelligents que les concurrents adultes.


Je connaissais l’émission américaine. J’étais tombé dessus un jour, en zappant. Je me souviens m’être fait une réflexion du genre:
“Humm, voilà une émission qui devrait être obligatoire en préambule à tout débat opposant connaissances à compétences”.


Je me souviens aussi de m’être dit :
“Humm, comme elle est mal nommée, cette émission. Ce n’est pas smarter, à proprement parler, qu’il aurait fallu dire, mais bien “scholarly”, au sens premier et propre—êtes-vous plus scolaire qu’un écolier de 10 ans?”.


Et comme la réponse est un plat et très ado :
“Duh! bien sûr que non, la concurrence est vraiment trop injuste entre un adulte qui n’a pas mis les pieds à l’école depuis au moins une génération et un écolier à plein temps.


… je me souviens avoir changé de canal en me disant:
“Garde ta job, tu n’es pas très doué pour penser un concept télé vendeur”.


En constatant que Laporte, comme tant d’autres, faisait l’équation “bon à l’école=intelligent”, je me suis souvenu de ce texte contre-intuitif de Perrenoud: Vouloir être premier de classe, est-ce bien raisonnable ?


Un duo d’extraits pour le lecteur pressé:


Pour qu’un bon élève devienne ou reste un excellent élève, il lui en coûte (sauf s’il a une facilité peu commune) :

* du travail, donc du temps et de l’énergie soustraits à d’autres activités ;
* du stress, de l’angoisse ;
* des exigences nouvelles (” Peut mieux faire ! “) ;
* un contrat implicite (ne pas déchoir, ne pas décevoir maîtres et parents) ;
* des tensions possibles avec une partie de ses camarades de classe ;
* une allégeance inconditionnelle aux exigences de l’école ;
* une accoutumance à la première place, avec la peur de la perdre.

Parfois le coût est plus dramatique : conduites obsessionnelles, angoisses aiguës, tensions psychologiques destructives, enfermement dans le rôle de bon élève, risques de dépression.
On dira sans doute : prendre régulièrement un centième à ses concurrents, n’est-ce pas justement manifester une surcroît d’intelligence ou de savoir ? Pour l’affirmer, il faudrait être sûr que ces écarts reflètent des acquis durables et transposables. Or tout suggère au contraire que la différence se creuse souvent grâce au perfectionnisme, à l’obsession de ne faire aucune faute, à l’imitation servile des tics du maître.

Les épreuves scolaires ne testent pas que des savoirs et savoir-faire fondamentaux. Elles vérifient pour une part le conformisme, lesérieux, la discipline, l’application de l’élève. On sait aussi que, très souvent, on demande aux élèves de refaire, en situation d’évaluation, des exercices du type de ceux qui meublent les manuels et le travail scolaire quotidien. La réussite scolaire est alors fonction non pas tellement de compétences de haut niveau que d’une capacité de reconnaître des indices, des consignes, des problèmes comme ” déjà vus ” et de mobiliser des procédures de résolution qui ont fait leur preuve dans un contexte voisin. Être premier plutôt que septième de la classe, c’est donc souvent être plus attentif, plus sensible aux formes, plus soigneux, plus ordonné. Et pas nécessairement plus capable de résoudre un problème nouveau dans un contexte nouveau. Il y a donc des raisons de penser que l’obsession du classement est un mauvais calcul si on la considère essentiellement comme garante d’une meilleure formation.»

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