La perfection

On a pu lire, dans les journaux récents, une série de reportages sur la violence et l’utilisation de la force physique… Prof Masqué, entre autres, en a traité ici et ici. La loi dirait encore que tout intervenant peut utiliser la force nécessaire (notion élastique s’il en est une, mais tout de même…).

Dans mon coin de pays, 3 dossiers sont en marche à mon syndicat local concernant la judiciarisation ultra-rapide dont on fait objet pour les profs pris dans ce genre d’incidents. La présidente a été interrogée récemment à ce sujet. La vidéo a été placée ici :

Dans ces dossiers, il a fallu d’abord convaincre la présidence de la CSQ (Réjean Parent) d’aider le syndicat local qui est, comme on le sait peut-être, composé d’enseignants qui ont été “libérés” de leur tâche d’enseignant pour s’occuper du syndicat. Seuls un ou deux employés du domaine juridique sont engagés en permanence pour le côté plus technique… Le syndicat local dispose donc de moyens, mais ceux-ci ont des limites quand le cas devient trop lourd….

Ce qu’on constate, donc, dans ce genre d’incident, outre les carrières complètement détruites pour les enseignants concernés, c’est l’intolérance profonde de la société en général face à des gestes auxquels on finit par appliquer une sorte de sentence disproportionnée. Qui a dit que l’époque de l’Enfant-Roi était révolue ?

On exige de la part des profs rien de moins que la perfection absolue ! Je comprends que l’on puisse exiger beaucoup des profs. Chacun de nous ne placerait pas ses enfants dans les mains de n’importe qui, cela va de soi. Mais de là à condamner automatiquement tout comportement dit «humain» (toucher un peu quelqu’un pour faire un arrêt d’agir est un comportement humain nécessaire dans une circonstance précise – “varger” dessus jusqu’au sang ne l’est pas, on se comprend !), il y a une marge énorme !

Dans notre société où la rectitude est reine, l’incohérence s’est installée. On exige plus des profs que de quiconque d’autre dans la société… et pourtant, les profs ne sont pas les plus payés, loin s’en faut !… Dans notre société où on se déresponsabilise toujours un peu plus chaque jour, pelletant la responsabilité dans les mains du “bon gouvernement” ou d’une autre instance quelconque, dans cette société on exige paradoxalement toujours plus des autres qui sont, pour ainsi dire, à “notre service” ! L’élève-client est une notion qui s’inscrit dans ce schème de pensée. Le client a toujours raison : le “serveur” ou “servant” est alors un joujou dans les mains du client… Le parent a parfois l’impression de payer le prof pour que celui-ci pallie tous les manques du roi-client. Non-sens.

Tous les élèves et tous les parents sont loin d’être comme ça, heureusement ! Mais il suffit que quelques-uns le soient pour que les choses dégénèrent si un événement malheureux survient. On assiste alors au contraire de la base de notre système juridique qui dit que l’on doit demeurer innocent jusqu’à preuve du contraire. Ici, le prof est condamné automatiquement et les faiseux d’opinion (à la télé et ailleurs) enflamment cette bombe, l’aident à exploser… Au nom du spectacle, on écorche au passage des personnes (qui ne sont pas parfaites, mais qui ne sont pas nécessairement ou automatiquement des criminels non plus !).

J’écrivais chez Prof Masqué ceci : on peut-tu juste être humain ? Sans faire exprès pour faire des erreurs, peut-on au moins, dans notre société, faire la part des choses et partager les responsabilités ? Les parents ont des responsabilités, les profs aussi. Les élèves ?, tout autant ! Personne n’est parfait, mais personne ne devrait se laisser à la stupidité de l’irresponsabilité et de la critique imbécile, celle qui ne s’informe pas et qui dit n’importe quoi… juste pour le show.

C’est ce genre d’attitude qui est fortement condamnable, pour garder un langage judiciaire !

Mais que celui qui n’a jamais pris de raccourci lance la première pierre…

Et que celui qui est patron aide son employé pour sauver son entreprise, car c’est, au final, tout le système d’éducation qui écope…

Présence obligatoire ?…

De quelle présence s’agit-il, au fait ?…

Cette semaine, je faisais part à mon directeur-adjoint de mon insatisfaction de l’horaire des réunions de l’équipe-niveau (3e secondaire) qui tombent toutes un soir (16h30-18h00-15-20) où j’ai autre chose de prévu, et ce, depuis les 18 dernières années, soit bien avant que je travaille à mon école 😉 J’en avais d’ailleurs fait la demande en juin dernier, avant de partir en vacances, afin que la situation, qui était la même l’an dernier, ne se reproduise pas ou que le “mal” soit amoindri.

Un petit oubli banal s’est glissé quelque part cette année, reconduisant ainsi le statu quo, et je ne veux surtout pas faire de chasse aux sorcières à ce sujet, car c’est banal, même si irritant tout de même un peu et obligeant à des pirouettes horaires parfois assez… spéciales. Mon directeur-adjoint a quand même pris le temps de consulter d’autres collègues impliqués dans l’hypothétique changement d’horaire avant de me dire que le changement souhaité n’était pas possible cette année, que peu importe le soir retenu, il y avait conflit avec une ou l’autre personne…

J’ai suggéré, pour cette année, à la blague, qu’on fasse les réunions sur Skype ou autre, mais au fond j’étais sérieux.

En fait, j’ai hâte au jour où nous pourrons nous réunir, en mode synchrone et/ou asynchrone, via un des nombreux moyens que la technologie nous permet pour faire évoluer un dossier. Et je suis sûr qu’après une acclimatation (qui sera malheureusement inégale chez les collègues), on gagnerait en productivité…

MAIS, le jour où on effectuera ce virage, on fera littéralement éclater les heures classiques et les TCO, TNP, BCD* et autres tentatives de quantifications du coeur qu’on met à l’ouvrage (gracieuseté de nos syndicats, dixit les patrons – gracieuseté de nos patrons pour reconnaître -avec d’immenses guillemets- notre temps, dixit les syndicats!!!) deviendront ingérables, peut-être… Ingérables de façon traditionnelle en tout cas…

Le problème, c’est toujours de contrôler ou gérer (le temps de) ceux qui font le minimum, et ils sont assez peu nombreux. Mais, comme dans tout système uniformisant (pléonasme?), cette minorité fait payer tout le monde : aberrant.

Donc, il y a plusieurs types de présences qu’on peut gérer quand on est patron. La présence à une réunion, même dite virtuelle, est facilement gérable. Et la coupure de traitement qui doit être faite pour absence est tout aussi facile à appliquer dans ce modèle ! Il n’y aurait qu’un petit pas à franchir, mais en même temps, dans notre système archaïque de gestion de l’éducation (et/ou du personnel), ça semble tellement loin qu’on dirait de la science-fiction, même si tout ça est facilement disponible de nos jours…

*BCD = ancienne appellation de Tâches complémentaires en présence élèves (Le “A” désignait alors la tâche d’enseignement proprement dite : donner ses cours)
*TCO = Trip Comptable Ostentatoire pour tenter de quantifier le coeur qu’on met à l’ouvrage – ou simplement Tâche COmplémentaire (Exemple : un comité sur lequel on doit siéger, etc.)
*TNP = Travail de Nature Personnelle : toutes les autres tâches, comme la préparation, la correction, etc, etc, etc.

Et c’est un délégué syndical qui écrit ce billet 🙂

Réflexions sur la rentrée…

Ça y est, la première semaine se termine. Au début, il y eut les traditionnelles retrouvailles où on en profite pour jaser un peu, surtout avec les collègues qu’on voulait revoir (pas tous, car impossible avec plus de 200 personnes qui oeuvrent dans la même école), prendre quelques nouvelles, etc. On a aussi pu faire de même avec d’autres collègues de la Commission scolaire lors de la rencontre de “fraternisation” organisée par la CS. Rencontre qui, dans mon cas, se termine souvent par un souper au resto avec quelques collègues intéressés par ce genre de rencontre sociale où on parle d’école, mais aussi d’autre chose : moments agréables de la rentrée. 🙂

Ce fut aussi la semaine des planifications, par bribes, entre les souvent nombreuses réunions (pas trop pire dans mon cas cette année). Planification avec ma collègue immédiate : travail agréable, car on est facilement sur la même longueur d’onde et les tâches se distribuent bien entre les deux personnes.

Ce fut aussi la semaine des réunions. Certaines dites “de cuisine” où on doit régler des détails d’organisation scolaire : normal, mais parfois lassant. Parfois utile aussi, mais pas toujours. La routine, quoi. D’autres réunions où nous avons pu échanger rapidement sur les projets qu’on a déjà faits ou qu’on souhaite faire : intéressant partage, mais menace obscure potentielle de compétition malsaine qui est constamment sous-jacente entre certaines personnes : dommage. Certains diront que je fabule, mais la réalité finit toujours par rattraper les fictions ou la fabulation un jour ou l’autre. Le modèle collaboratif est LOIN d’être implanté dans les mentalités de tous.

Certaines de ces réunions furent décevantes pour certains (selon les témoignages entendus – parfois “de loin”)…

Une chose est sûre : j’ai été à même de constater que l’uniformisation est encore et toujours reine et maître dans notre système d’éducation. Qui dit système dit souvent bureaucratisation, au moins partielle, et donc, uniformisation… On aime les ENT uniformes, corporatifs (ou corporatistes?), plutôt que les espaces où la créativité peut s’éclater ! Un système encore beaucoup trop centré sur l’évaluation finale, l’examen, sur les résultats plutôt que sur les apprentissages. C’est tellement ancré dans les mentalités que ça prendra des décennies avant de sortir de ce cercle vicieux… J’ai même entendu, à propos d’une “partie de matière” à voir : «De toutes façons, ils ont un E-XA-MEN sur ÇA, c’est dans l’E-XA-MEN, donc ça finit là, point final, ok?». Fin de la discussion, cul-de-sac obligatoire. Ça servait absolument à rien de discourir sur les apprentissages à réaliser, etc. Le renouveau pédagogique, supposément plus centré sur les apprentissages plutôt que l’évaluation dite sommative (ou assommante, c’est selon, presque même racine de mot, non?…), c’est un concept, donc c’est abstrait et ça ne fait pas vraiment partie de l’enseignement. C’est une utopie pour des fabulateurs ou fabulistes, des trippeux de théories, des mangeurs de mots qui se régalent de ces abstractions… Voilà donc ce que DOIT être un VRAI système d’éducation… Des connaissances, puis des examens, avec des résultats, chiffrés en plus de ça, même si le chiffre est une abstraction par rapport à la réalité des apprentissages en cours.
–Dis-moi COMBIEN vaut mon enfant, pis sacre-moi patience avec le reste, bon !
–Dis-moi COMBIEN vaut mon école au palmarès, pis sacre-moi patience avec tes demandes budgétaires au nom d’une pédagogie xyz

Bien sûr, j’ironise un peu et j’exagère aussi, mais parfois si peu ! La réalité, c’est que les changements, surtout de paradigmes, en profondeur, s’effectuent très très lentement, llleeennnttteeemmmeeennnttt……… D’ici ma retraite, dans plus de 20 ans, je ne verrai pas le bout du tunnel avec la p’tite lumière, même si mon espoir a encore la teinte presque verdâtre d’une veilleuse faiblissante à 100km de distance…

Quand je vois des projets comme celui-ci (lisez les 3-4 derniers billets, et les autres qui suivront), je me dis que les éléments de solution sont peut-être là pour certains. Pour les autres, je désespère parfois, comme ce soir.

Une autre rentrée…

Je parle ici de celles des profs, qui reviennent au travail après leur mois de convalescence suivi de 3 ou 4 semaines de vacances (dixit Sylvain Lelièvre, comme je l’ai déjà mentionné sur ce blogue). Dans mon cas, c’était hier, soit 2 ou 3 jours ouvrables plus tard que certains collègues d’autres commissions scolaires dans d’autres régions du Québec…

Pour plusieurs profs, il y a toujours une joie mêlée d’autre chose qui va avec cette journée. Joie de revoir certains collègues (pas tous, c’est évident !). Angoisse ou petites peurs face à certaines autres personnes ou face à la tâche (surtout) qui s’en vient. Attentes aussi : quel(s) sera(seront) mon(mes) local(locaux) ? quel sera mon horaire ? quand aurai-je cet horaire ? (Hein, PM? ;-))

Bien sûr, cette rentrée est parsemée (plutôt que clairsemée, au secondaire du moins) de réunions, certaines plus utiles que d’autres, en très petit nombre, les utiles, mais ainsi, on manque toujours de temps pour vraiment planifier avec nos collègues immédiats, ceux qui enseignent la même matière que nous ou au même niveau que nous. Et qui dit manque de temps pour planifier dit aussi plus de travail à la maison.

Dans mon cas, voir le petit widget en bas de la colonne de droite, il faudra planifier en plus une période d’absence de quelques petites semaines dans environ un mois. Il faut très bien planifier ces absences, car au retour, c’est moi qui ramasse et qui paiera les pots cassés, s’il y a lieu… Arme à deux tranchants que ces congés parentaux 🙂

Bref, je plonge une fois de plus, beaucoup plus heureux qu’à ma rentrée de l’an dernier où je devais me remettre d’un coup (très) dur, professionnellement parlant, mais humainement parlant aussi. Après un an, je considère que le deuil est fait, que je suis complètement redevenu heureux (ou presque !), ce qui est vraiment essentiel à mon bon fonctionnement !

De la Chine et du paradoxe

… ou le yin et le yang ?

Je viens de voir un peu plus attentivement que ce matin la fameuse cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Beijing-Pékin et je dois avouer que j’ai trouvé le tout absolument phénoménal et époustouflant, en dépit de tout ce qu’on dit ici, en Occident, sur le boycott de l’écoute des Jeux et autres mouvements de protestations diverses.

Tout à l’heure, j’essayais machinalement de trouver des extraits sur Youtube et j’ai trouvé une vidéo seulement qui, le temps d’écrire ce billet, sera elle aussi mise à l’index pour violation de droits d’auteurs ou autre raison semblable évoquée sur le site de Youtube. Censure chinoise une fois de plus ? Sans doute.

Ceci dit, je comprends très bien le manque de libertés individuelles en Chine et la relation tendue avec les revendicateurs tibétains. Il est évident qu’il manque de ces libertés en Chine.
Voilà pour le yin…

Mais il est aussi évident que tout cela, c’est notre vision occidentale de la chose. Non pas qu’elle ne soit pas bonne, cette vision, mais je pense, sans savoir complètement, qu’elle est probablement réductrice en ce sens qu’elle ne fait pas le tour complet de la question qui relève d’une culture plusieurs fois millénaire et d’une grande complexité, voire densité. Ne peut réellement comprendre totalement qu’un Chinois, je crois. Qui sommes-nous donc pour juger devant une réalité si complexe ? Peut-être que certains Chinois on accepté “librement” de réduire leurs libertés, ne serait-ce que ces bénévoles employés pour le fascinant spectacle qui se sont placés (volontairement? – à vérifier) sous la gouverne d’un metteur en scène qui a sûrement dû employer une rigueur sans pareille pour arriver à un tel résultat !
Voilà pour le yang…

Ce n’est qu’un petit exemple, très petit en fait, mais qui peut illustrer que nous mêmes, parfois, nous plaçons sous la gouverne de quelqu’un pour arriver à un but, ou bien nous gouvernons des individus pour arriver à un but collectif, etc. Est-ce tout le temps le cas des Chinois ? Je ne crois pas, cependant. La réalité est plus complexe que ces visions dichotomiques bien-mal ou même yin-yang, quoique dans le cas du yin et du yang, les symboles tout en courbes et un côté incluant la couleur de l’autre côté, la dichotomie semble moins tranchée au couteau.

La Chine est un grand Empire depuis des millénaires. Comme dans tous les grands empires, elle a ses lois parfois drastiques, souvent impitoyables. Ça ne veut pas dire qu’elles sont parfaites, loin de là, mais il faut simplement éviter de tomber dans les généralités trop faciles et les polarisations de débats qui occultent bien des pans de la réalité qu’on ne connait pas complètement.

Face à ces Jeux, je suis donc, comme Max, plutôt ambivalent (en relisant son billet, je m’aperçois après coup que j’ai parfois utilisé les mêmes mots pour qualifier la cérémonie…). D’un côté, donc, le génie de la cérémonie, la célébration du sport et de la saine compétition. De l’autre côté, un pays hôte qui a une façon bien particulière et non-occidentale (d’où notre difficulté à bien saisir et comprendre) de concevoir les droits de la personne, le dopage dans le sport et d’autres trucs qui viennent ternir l’idéal olympique.

À suivre, donc…