Censure, contrôle et index…

CFD a suscité toute une discussion dans ce billet

Une Commission scolaire de la région de Trois-Rivières a décidé d’interdire les Têtes à claques ainsi que YouTube au complet : on en parle sur Cyberpresse ici.

La censure ou l’interdiction systématique n’est pas nouvelle dans les écoles. À mon école, on interdit certains sites de façon systématique (site bloqué au niveau du serveur proxy), parfois avec des filtres (qui bloquent tous les mots à caractères pornographiques, par exemple), parfois de façon arbitraire pour tel ou tel site sur lequel on a vu quelque chose de douteux, etc., et pour lequel une demande de blocage a été faite par un ou l’autre intervenant dans l’école. (Ainsi, l’autre jour, je n’ai pu avoir accès à un blogue (nom de domaine bloqué) où je cherchais une référence sérieuse qui avait été placée là…) Mais ce jeu du chat et de la souris est rapidement contourné d’une façon ou d’une autre par les internautes avertis (Les élèves les premiers !). En effet, certains sites peuvent traverser les filtres et la chasse aux “mauvais” sites peut ainsi durer très longtemps… Il y aura toujours quelqu’un quelque part pour remettre en ligne sur un autre site la vidéo de la pendaison de Saddam Hussein, par exemple. (Alors on serait peut-être mieux de discuter de la pertinence de la peine de mort avec nos élèves, ça serait plus utile, non ? Et pas besoin de visionner la vidéo en classe pour cela : plusieurs élèves l’ont déjà vue, certains au bulletin de nouvelles en plus !)

Alors, devant ce fait, je me dis que l’on doit d’abord éduquer avant de censurer. Bien sûr, il y a des choses qui sont inadmissibles à l’école. La bibliothèque ne comporte pas de revues pornographiques et c’est normal : on se scandaliserait rapidement si c’était le cas ! (J’imagine le battage médiatique…) Mais il est déjà arrivé que des fenêtres popups indésirables surgissent sur des écrans d’ordinateurs scolaires. À mon avis, l’école ne peut être un vase clos, complètement déconnecté de la société où les jeunes sont exposés à des choses qu’on a parfois peine à imaginer. OK., ce ne sont peut-être pas tous les jeunes qui sont ainsi exposés, mais il faut reconnaître que notre société comporte de tout, du bon et du moins bon, et parfois du carrément mauvais… Et que ce mauvais est souvent ce qui se véhicule le plus rapidement. L’importance de l’éducation devient alors ici encore plus essentielle.

Devant cette censure, on peut discuter longuement de sa pertinence pour chacun des sites censurés et on arrivera à un degré différent de tolérance ou d’acceptation de l’interdit selon le site et selon les valeurs de chacun des individus. Il n’y a pas unanimité pour aucun site, parfois une majorité très large, mais jamais unanimité.

Avec l’interdit, on suscite le désir, encore plus chez l’adolescent, c’est indéniable. Doit-on alors tout autoriser pour qu’il n’y ait plus d’interdit, et donc plus rien d’alléchant ou de tentant ? Je ne crois vraiment pas. Dans toute société, il y aura toujours des interdits, et des conséquences qui s’y rattachent. Mais il ne faut pas que les interdits deviennent légion et qu’ils occupent toute la place. La censure systématique forme un mur protecteur qui est souvent un cocon artificiel. Au moment où il se brise, si ce n’est pas le “bon temps”, la créature protégée devient parfois trop vulnérable. Si elle avait été préparée un peu mieux à ce monde extérieur, elle aurait été plus outillée.

Sur la pertinence des Têtes à claques ou de YouTube, nous devrions laisser les personnes juger, après les avoir éduquées, leur avoir transmis des valeurs, puis leur avoir donné du temps pour se bâtir les leurs propres ou intégrer personnellement celles qui ont été transmises. D’ailleurs, YouTube ne comporte pas que des niaiseries ou des atteintes à la réputation ou à la vie privée (des concepts qui peuvent très bien être enseignés, d’ailleurs !). Sur YouTube, on retrouve aussi du contenu pédagogique placé là par des gens d’une école, eh oui, ça existe ! (Merci à Mario Asselin pour la référence !)