Enseigner: quel métier ?

Cette semaine, je suis passé à travers un bon paquet d’émotions… Ça fait des mois que je veux écrire un billet sur le nécessaire plaisir au travail (selon moi, c’est une nécessité), plaisir que j’ai eu beaucoup de misère à avoir par moments, à cause de textes parus dans les journaux, à cause de la ministre qui va à gauche et à droite, telle une girouette – je sais l’avoir déjà dit ici, et j’y ai droit, étant chez moi, parce qu’on n’est pas à l’Assemblée nationale ici ! – une girouette qui a l’air d’osciller entre différentes intentions de votes, pour plaire à Pierre, Jean, Jacques, son frère, sa soeur, son père et sa mère tout à la fois… et finissant par plaire à personne ou presque ?

dictature Pour ceux qui me connaissent, je suis du genre à ne presque jamais baisser les bras. Assez grande confiance en moi malgré les aléas parfois assez durs à avaler qui peuvent occasionnellement se présenter, énergie assez vive la plupart du temps et qui alimente une certaine passion, idée toujours assez claire du but poursuivi, conscience de mes limites doublée d’une volonté de les repousser toujours un peu plus loin, et par-dessus tout cela, une espèce de naïveté nécessaire à la survie en milieu parfois hostile de par les conditions pas toujours (ou pas souvent?) facilitantes qui découlent de carences structurelles assez importantes de l’institution-éducation dont on dispose ou dans laquelle on évolue tant bien que mal au fil des jours… Et de plus, par-dessus tout, une ferme volonté d’apprendre !

Je n’arrive pas à m’expliquer pourquoi, mais cette semaine, à la lecture des propos de la ministre rapportés dans les médias et aussi à la suite d’une réunion où on nous a mis au fait des «offres» (les guillemets sont très importants) gouvernementales qu’on nous fait jusqu’à présent, une très (trop à mon goût) grande déprime m’a littéralement envahi. Je ne m’étais jamais (ou presque jamais en fait) vu comme ça et je n’arrive toujours pas à comprendre totalement ce qui a bien pu se passer.

Aussi, vais-je tenter de l’expliquer un peu ici… de le creuser un peu.

Le sentiment général qui se dégageait de ces impressions en était un d’écoeurite aigüe. Je me disais: non mais, on nous prend pour des tartes ou quoi ?

Au cours des 17 dernières années, nos conditions de travail ont empiré, c’est d’une évidence même. Quiconque ne sait pas cela vit sur une autre planète ou se fout carrément de ce qui se passe avec ses enfants dans les écoles… et tout ça me laisse perplexe si la tendance se maintient pour les 17 prochaines années. Au rythme où vont les choses, on va finir par arriver à quelque chose de profondément inhumain…

Cette espèce de non-considération face aux profs, essentiels à une société comme beaucoup d’autres métiers d’ailleurs, m’a littéralement sidéré. On dirait que les profs, ce ne sont que de bébêtes exécutants qui doivent (en théorie, du moins) faire ce que dit la ministre au gré de ses plans tous plus nombreux les uns que les autres, tous plus imprécis et de dernière minute aussi. Visiblement, des plans qui arrivent d’en-haut, très haut même (je soupçonne beaucoup de gens du ministère de ne même pas être au courant à l’avance… !), des plans qui avancent des choses et qui prouvent hors de tout doute une méconnaissance certaine du milieu, de la “chose éducative” et des conditions dans lesquelles on doit exercer notre métier ou profession… (En fait, être enseignant ou prof, c’est probablement ni un métier ni une profession… une vocation, avec tout ce que ça implique d’affectif non mesurable, non quantifiable, n’en déplaise aux gestionnaires-comptables – oui il y en a…)

Les profs, ces éternels incompris, alors ? Peut-être… Peut-être aussi parce que tout le monde se dit capable d’éduquer, puisque parents d’enfants. Le parent éduque, oui, (ou devrait à tout le moins, car certains ne le font pas ou le font très partiellement, – d’autres le font, mais l’enfant répond moins bien, disons…), mais le pédagogue fait apprendre, ça doit être sa spécialité, sa spécificité…

En cela, le prof-pédagogue a une énorme responsabilité pour l’avenir des gens de ce pays (et de ce pays tout court) dans lequel il exerce sa profession. MAIS on ne le laisse pas exercer pleinement et LIBREMENT cette responsabilité ou cette “fonction”. Au contraire, on tente de l’enfermer dans une liste de choses à faire, auxquelles se conformer, de suivre un programme qui change au gré de la météo ministérielle (je parle de la ministre ici, pas nécessairement du ministère: nuance !), bref, d’être un bébête exécutant comme je disais ci-dessus, un petit esclave, relent possible du prescripteur-esclave engagé par le riche romain pour garder éduquer ses petits (?)…

(Parenthèse ici, une autre (!): les syndicats, de par leur approche ouvrière (je n’ai rien contre les ouvriers!), contribuent probablement sûrement, malgré eux (?), à cette non considération professionnelle en poussant les conditions de travail à parfois devenir abrutissantes (le mot est peut-être fort) au sens où on doit exécuter certaines choses, ou être présent de telle heure à telle heure… pour tenter de quantifier le coeur qu’on met à l’ouvrage. Certaines ententes négociées finissent par avoir l’air de définir trop de détails et de faire perdre une certaine autonomie aux profs, malgré la volonté contraire. – Paradoxe ?)

Ou bien encore, on tente d’enfermer la responsabilité dans une sorte de gestion-par-les-résultats (chiffrés SVP !) en tentant de rendre imputable le prof et lui seul (?) concernant les résultats de tous ses élèves. Je regrette, mais ici, il devrait s’agir d’une responsabilité partagée entre les profs, oui, mais aussi la direction d’école et la commission scolaire qui fournit le lieu et les conditions facilitants ou pas, les parents et, surtout, le jeune lui-même !!! Ajoutons à cela le ministère de qui découle les programmes de formation.

On ne peut pas enfermer dans des chiffres (réflétant réellement les résultats d’une personne ?) la fonction d’enseigner, de faire apprendre, d’être pédagogue… L’affectif, qui est un facteur primordial et oublié par tous les comptables (je ne les déteste pas, mais leurs méthodes sont incompatibles avec l’affectif, par définition), fait partie de l’acte pédagogique, on ne peut le nier ou l’ignorer: c’est un non-sens en soi, alors.

Avec tous ces éléments de pression, on peut maintenant comprendre que les profs se sentent de plus en plus infantilisés, abrutis, démotivés ou démoralisés devant tant de choses indiscibles, indescriptibles, incompréhensibles, et surtout autant éloignées de l’acte pédagogique lui-même.

Comme le disait si bien Brigitte Friset dans sa lettre à la ministre, publiée dans Le Devoir du 19 mars 2010, «Laissez-nous, sans mépris comme vous le faites, améliorer ce sur quoi nous travaillons sans vous depuis dix ans déjà!»

Cette revendication d’une autonomie professionnelle perdue ou largement bafouée, je la fais mienne également. Vivement qu’on finisse par comprendre, au Québec, qu’une pédagogie efficace ne se calcule pas, mais se vit au quotidien avec nos élèves à nous, les profs, de par la relation qu’on installe avec eux et qu’on vit, puis, par la suite, des apprentissages qu’on leur fait vivre, non pas des apprentissages prémâchés, relents d’un Pablum pédagogique depuis longtemps révolu qui n’instruit pas mais abrutit et infantilise, mais des apprentissages pleinement réalisés en mettant en relation divers éléments de notre réalité complexe (par définition…) à travers laquelle nous devons évoluer, avancer, continuer d’apprendre en continu.

Sinon, on recule et on meurt, comme société, point final.

Investissons sur notre avenir à tous, ça commence drôlement à presser, à mon humble avis.

Y en a marre de la désinformation – éducation au Québec

Ça fait un moment que la question me turlupine, voire m’exaspère, surtout quand j’entends telle ou telle connerie, niaiserie, chose de la part de la ministre, etc., etc.

Aujourd’hui, je retrouve cette lettre d’une collègue, affichée sur le babillard dans la salle des profs. J’ai tout de suite eu le goût de vous partager cette lettre, avec le consentement de l’auteure, bien sûr !

Voici donc la lettre d’Isabelle Arseneau, une jeune enseignante talentueuse et prometteuse, qui se décourage parfois comme nous tous devant certaines absurdités colportées à gauche et à droite, souvent sans mauvaise volonté, bien sûr également, mais pas tout le temps peut-être malheureusement !

PARENTHÈSE

J’en profite pour “ploguer” ici un autre texte génial, d’André Roux celui-là, qui a décidé de pondre ce fameux billet après presque 2 ans d’absence de la blogosphère (mais pas de la Twittosphère, par contre 😉

/PARENTHÈSE (fin de la)

Marre

Lettre d’Isabelle Arseneau à Claude Bernatchez, animateur du matin à la Première Chaîne de Radio-Canada.

«Bonjour M. Bernatchez,

Je vous écris, et c’est une première dans mon cas, en réaction à ce que j’ai entendu sur vos ondes concernant les déclarations de la Ministre sur ce que vous avez qualifié de «réforme de la réforme». J’étais très en colère, je le suis encore. Comment une représentante syndicale peut-elle défendre la situation des enseignants sans même être en mesure d’expliquer la différence entre une connaissance et une compétence? Ce bafouillage était non seulement une insulte pour tous les professionnels qui ont investi du temps à s’approprier ces termes, à ajuster leurs pratiques, mais c’était une preuve supplémentaire mettant en évidence l’incompréhension des détracteurs de cette dite réforme que je préfère nommer «Renouveau pédagogique».

Je suis une jeune enseignante du secondaire en science et technologie avec seulement quatre années d’expérience. Je suis aussi chercheure au CRIRES (Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire, à l’Université Laval) et je travaille justement sur des approches didactiques innovantes avec évidemment le développement de compétences comme finalité. Pour faire court, je considère avoir une excellente connaissance de ce renouveau pédagogique et je considère être compétente dans l’exercice de ma pratique. Je ne veux pas faire ici le procès de tous les maux de notre système éducatif, je veux simplement remettre certaines choses au clair. Il y en a marre de la désinformation par rapport à l’éducation!

D’abord, qu’on s’entende bien. La connaissance est nécessaire à la compétence. Il n’a donc jamais été question de mettre de côté les connaissances. Tous les enseignants que je côtoie n’ont jamais arrêté d’évaluer les connaissances! Bien au contraire. Ce qu’on demande maintenant c’est d’utiliser ces connaissances dans un contexte. C’est aussi de faire des liens, de poser un jugement, de vulgariser, etc. C’est une tâche certes plus complexe, mais qui donne un sens aux apprentissages et qui tend à former des citoyens compétents.

Prenons l’exemple que vous avez utilisé ce matin. Je ne suis pas formée en géographie, mais je peux vous expliquer que la connaissance des provinces canadienne est une chose, mais que savoir lire une carte en est une autre. Vous comprenez? Un autre exemple dans mon domaine disciplinaire, qui résume ce que je fais présentement avec mes élèves de troisième secondaire. Comme avant, l’élève doit connaître l’organisation cellulaire. Mais maintenant, il est amené à se positionner sur l’utilisation de biotechnologies comme la vaccination, l’utilisation du lait cru, l’utilisation de cellules souches ou autres sujets d’actualité lui permettant non seulement d’utiliser ses connaissances dans un contexte réel, mais aussi de se former comme citoyen responsable. Je pourrais vous expliquer longuement la grande pertinence de ce virage dans le système d’éducation, qui suit d’ailleurs une tendance mondiale. Le problème M. Bernatchez, c’est que même la Ministre de l’éducation a peine à comprendre ce qu’est la compétence.

Un dernier point, si je peux me permettre, concerne cette fâcheuse tendance à se concentrer sur le décrochage plutôt que sur la réussite, sur l’apprentissage, sur l’engagement étudiant, etc. Ce n’est pas en demandant aux enseignants de travailler le samedi qu’on règlera le problème. Leur tâche est déjà très lourde à porter. Il me semble évident qu’une des premières choses qui accroche un jeune à rester en classe, c’est un enseignant motivé et motivant qui cherche à diversifier ses approches pédagogiques stimulant ainsi tous les types d’apprenants. Le problème c’est que les jeunes enseignants, comme moi, aussi passionnés qu’ils peuvent l’être, mettent constamment en doute leur carrière dû au «bénévolat obligatoire» qu’on exige d’eux. La profession est sous-valorisée et la ministre se permet de faire de l’ingérence dans leur pratique. Est-ce que le Ministre de la santé dit aux médecins comment poser un diagnostique? Alors, pour quelles raisons Mme Courchesne se permet de dire aux enseignants comment évaluer leurs élèves quand visiblement elle n’a aucune idée de ce qu’est la compétence? L’exemple du retour aux chiffres en est le parfait exemple. Elle n’a pas non plus la vision du contexte de la classe et de ce que peut représenter le travail d’un enseignant au quotidien.

Je constate, oui, qu’il faut revisiter l’évaluation des compétences telle qu’elle se fait présentement, mais ce n’est pas nécessaire de revenir en arrière. Il y a de grandes choses qui se font dans les écoles M. Bernatchez et il faut arrêter de croire que tous les élèves du secondaire ont envie de décrocher. Plusieurs sont engagés dans leurs études et motivés (comme peut l’être un ado!) à venir en classe. Il faut se concentrer sur l’apprentissage, valoriser la réussite. Le problème est pris à l’envers. Plutôt que de monter une nouvelle marche on nivelle vers le bas. C’est bien dommage, surtout que le système est en train de drainer les jeunes enseignants motivés, déjà fatigués.

Merci pour votre lecture,
En espérant entendre une réponse aux propos tenus ce matin lors de votre émission,

Bonne journée,

Isabelle Arseneau
Enseignante de science et technologie»

Marc Prensky à Clair2010

Voici un résumé de la conférence de Marc Prensky qu’il a prononcée à Clair2010 fin janvier dernier.

Ce texte a d’abord été rédigé pour l’Infobourg, à la demande de Martine Rioux, par David Martel et moi.

Suivra une réflexion de ma part, que j’ajoute ici au texte original. Bonne lecture 🙂

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Prensky pendant sa conférence

C’est dans le cadre de la non-conférence (ou BarCamp) Clair 2010 : Pour voir l’éducation autrement – qui se déroulait les 28, 29 et 30 janvier 2010 – que près de 200 intervenants du monde de l’éducation ont pu entendre Marc Prensky, l’homme qui a inventé et popularisé les termes digital native (natif du numérique) et digital immigrant (immigrant du numérique).

Présenté par Mario Asselin, c’est avec une conférence ayant intitulée Engagez Moi ou Enragez Moi (Plus ça change plus c’est différent) que Prensky a énoncé ses idées pendant plus d’une heure trente à une foule plus qu’attentive. Il a d’abord exposé ses idées pour ensuite interagir avec six jeunes du C@HM (Centre d’Apprentissages du Haut-Madawaska), là où se déroulait Clair2010. Voici donc l’essentiel des propos de Marc Prensky, recueillis et “gazouillés” par Sylvain Bérubé et David Martel.

M. Prensky, dans un français impeccable, a d’abord parlé des changements technologiques qui se produisent à un rythme particulièrement rapide et dont on n’a aucune idée de jusqu’où ils peuvent nous mener. À vrai dire, les technologies changent et évoluent tellement rapidement que, pendant leur vie, les jeunes verront les technologies devenir 1 000 000 000 000 (1000 milliards) fois plus puissantes !

De leur côté, les jeunes suivent, mais les enseignants peinent à se tenir à jour. Ils doivent donc accepter d’apprendre en même temps que ces natifs, où même apprendre d’eux, plutôt que de sombrer dans une espèce de peur, même si celle-ci est normale au départ. En effet, devant ce changement, la plupart des gens vont vers l’avenir en regardant vers l’arrière, vers ce passé sécurisant auquel on peut être fortement tenté de s’accrocher. Ce “pied dans le passé” que conserve souvent l’immigrant du numérique lui confère un accent lorsqu’il intervient auprès des natifs.

En fait, il en a toujours été ainsi. L’homo sapiens a toujours développé des outils dont on ne peut plus se passer. L’ordinateur portable actuel peut parfois devenir chez certains une sorte de prolongement du cerveau. On combine cerveau et machines dans un mélange sans cesse renouvelé où on combine ce que fait bien le cerveau et ce que font bien les machines: Prensky appelle cela la sagesse “digitale” (numérique).

Pour illustrer le renouvellement des technologies, Prensky utilise les notions de verbes et de noms. Les premiers représentent les actions effectuées par un individu (communiquer, collaborer, écrire, etc.) alors que les seconds désignent les moyens utilisés pour y parvenir (lettre, courriel, télécopie, etc.). Les verbes sont à la base de l’instruction, mais les outils changent. Les jeunes devraient utiliser les noms les plus à jour pour apprendre. Par exemple, l’action de communiquer avec quelqu’un (le verbe) est restée la même, alors que les noms se sont succédé au fil du temps (le télégramme, la télécopie, le courriel, le SMS, etc.) Et en 2010, ce sont vers ces nouveaux noms que nous devons nous tourner. On apprend, on communique, mais avec de nouveaux moyens sans cesse en évolution.

Prensky mentionne qu’étant donné que les noms changent trop rapidement, il ne faut pas surinvestir dans un outil, car le changement est devenu trop rapide. Aujourd’hui, nous avons Twitter; demain nous aurons autre chose. Il faut donc demeurer très flexible afin de s’adapter aux changements et aux nouveaux noms. Cette réflexion s’est poursuivie lors d’un atelier le lendemain: on ne doit pas resté collé sur le T des TIC, mais se rendre jusqu’au C de la Communication ou, comme quelqu’un d’autre l’a souligné, jusqu’au A des Apprentissages.

Un autre élément primordial, selon Prensky, est la programmation que doivent apprendre les jeunes. Ils doivent programmer s’ils veulent créer, car créer dans un futur proche supposera une maitrise d’une forme de programmation ou l’autre. Le chercheur fait un parallèle intéressant en disant que les programmeurs d’aujourd’hui sont en quelque sorte les scribes d’autrefois. Il pose également quelques questions portant à réflexion: ne devrions-nous pas leur apprendre comment programmer pour créer? Faut-il encore apprendre l’écriture manuscrite? Faut-il former les jeunes pour demain ou affronter nos peurs afin de les former pour le reste de leur vie?

La peur du départ doit donc se transformer. Après tout, nous sommes face à des outils, des moyens, mais il nous faut les maitriser, apprendre à s’en servir, etc. Et apprendre, réaliser, communiquer, etc. Il y a 4 stades d’apprentissage des technologies:

1 – cacher ou nier;

2 – paniquer ou avoir peur;

3 – accepter;

4 – être confortable;

mais, selon Prensky, il faut aller plus loin:

5 – puissance !

Voilà comment Prensky finissait son allocution avant d’échanger avec six jeunes qui ont bravé les conditions météorologiques afin d’être quand même présents à cette journée pour montrer comment ils se servent de la technologie, non comme une fin, mais comme un moyen, un outil.

Il est aussi à noter que Mario Asselin et Roberto Gauvin ont pu s’entretenir avec Marc Prensky, l’avant-midi suivant sa conférence. Mario en donne un compte rendu ici.

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Personnellement, j’avais hâte d’entendre ce Marc Prensky dont j’avais souvent entendu parler.

En fait, malgré l’aspect de prime abord assez emballant de sa découverte principale (digital native vs immigrants), j’avoue que je demeurais quand même sur mes gardes concernant cette transformation du cerveau qui se produirait chez les jeunes et dont on n’a aucune preuve scientifique à ce jour.

Ici, j’avoue que Prensky a éludé un peu ce côté transformation du cerveau de son discours. L’homme est donc capable de revenir sur ses dires et de faire les nuances qui s’imposent: j’aime.

Pour le reste, il assiste comme nous à des transformations majeures et il pose de bonnes questions qui font réfléchir.

Conférence de Prensky: image saisissanteAvec un sens de la phrase-choc (sinon de l’image – ci-dessous), Prensky nous amène à observer certains faits comme l’accélération des développements technologiques: les outils, les MOYENS, qui servent à accomplir des ACTIONS (les verbes) qui existent depuis que l’humain existe…

Un changement d’une telle ampleur suscite bien entendu un grand sentiment d’insécurité, surtout chez les personnes qui s’adaptent moins rapidement, ou qui veulent être sûres de tout avant d’agir. Sauf qu’à la vitesse où les technologies évoluent, il nous faut, je pense, développer une certaine tolérance au Work in progress, ou, si l’on veut, développer une formidable capacité à réfléchir DANS l’action, ou encore, une capacité à rétroagir constamment, tout en avançant. Facile à dire…

Ce changement de paradigme est assez substanciel en soi et il suscite plusieurs tensions palpables aussitôt que l’on regroupe des gens d’une même institution ou autres. À mon avis, cette déstabilisation doit être pédagogique pour tous, en ce sens qu’on doit développer encore de plus en plus nos apprentissages au fur et à mesure de notre évolution dans cette sphère, qu’elle soit blogo, twitto ou autre 😉 ! Il nous faut apprendre… à apprendre dans un tel environnement.

La déstabilisation est un excellent moyen d’apprendre ! Quel prof n’a pas déjà déstabilisé sciemment ses élèves dans le but de susciter un questionnement et, de là, des apprentissages plus “sûrs” ?! Sauf qu’en vieillissant, l’être humain a souvent de plus en plus peur de la déstabilisation. Et pourtant ! Quoi de plus “équilibré”, qu’un funambule en apparence instable sur un fil de fer, qui oscille constamment d’un côté et de l’autre pour justement garder son équilibre: l’équilibre est donc quelque chose de vivant, et non statique ! Ces constants aller-retours gauche-droite du funambule illustrent bien ce que j’appelais ci-dessus la rétroaction constante avec laquelle on doit composer, ce work in progress constant. Le changement est la seule chose qui est stable, disait l’autre que je paraphrase un peu ici 😉 !

Quant à l’aspect développement de la programmation chez les jeunes qu’a abordé Prensky en fin de conférence, c’était pour moi l’élément de surprise de la conférence, puisque j’avais déjà entendu parler du reste plus ou moins en détail.

Et je me dis que c’est pas bête du tout: les jeunes, s’ils veulent “contrôler” ou maitriser ce nouvel environnement sans cesse changeant, doivent en apprendre les méandres, les points de contrôlabilité. Le programmeur agit sur son environnement technologique. Le simple utilisateur dépend des programmeurs… Et j’ajouterais qu’il y a plusieurs niveaux de programmation ! En plus !

Ma réflexion se poursuit…

Clair2010 – synthèse

Il y a déjà une semaine que Clair2010 est terminé. Ce fut un colloque-barcamp (non-conférence) des plus fertiles en brassage d’idées. J’aime appeler ce genre d’événements des incubateurs à idées, des énergiseurs, ou encore des tremplins qui permettent de se (re)donner un élan créateur, professionnellement parlant, mais aussi personnellement, jusqu’à un certain point.

Je commence donc enfin (après avoir terminé une étape scolaire avec tout ce que ça comporte de corrections d’évaluations multiples et pas toutes utiles) une série de billets dont les idées de départ figurent dans un petit document texte déposé sur le disque dur de mon ordi il y a déjà presque une semaine !

Tout d’abord, j’ai eu le privilège de pouvoir côtoyer de plus près l’organisateur en chef, Roberto Gauvin, directeur du CAHM, qui a orchestré le tout d’une main de maître, appuyé par Mario Asselin, et aussi par son dévoué personnel qu’il a le don d’embarquer dans les aventures les plus folles, mais qui portent énormément de fruits. Pour Clair2010, non seulement toute l’école collaborait, incluant des élèves, mais aussi le village de Clair au grand complet !

Le gymnase habilement transformé en salle de conférence

JEUDI: activité d’accueil (et quel accueil chaleureux !), présentations, reconnaissances de visages déjà plus ou moins “connus” sur Twitter, principalement, et identification de nouveaux. Bref, on prépare le terreau pour le brassage d’idées. De mon côté, je retiens entre autres une conversation très fertile pour projets futurs avec des gens intéressants 🙂 !

Échange dans le hall d'entrée du CAHM

VENDREDI: la journée commence très tôt quand on loge chez l’organisateur principal ! Dame Nature décide de ne pas collaborer du tout; résultat: l’école est fermée. Roberto est dans tous ses états, mais en même temps très calme. Ce calme-là, du moins apparent, je le retiendrai comme exemple: ne jamais se laisser distraire du but final.

Je m’offre alors pour aider un tant soit peu en remaniant la page d’accueil du site de l’événement afin d’inviter les élèves et les profs qui peuvent à se présenter quand même… J’ai ainsi l’impression de faire ma petite part et me rendre ainsi un peu utile.

Message spécial - fermeture d'école, mais pas de Clair2010

Malgré cette fermeture, les élèves viendront, du moins ceux qui pouvaient se rendre sur les lieux, soit environ 25%. Les profs également, malgré cette petite neige et surtout ce vent.

Nous avons ainsi pu voir ce que les élèves font avec les technologies dans cette école, des plus petits aux plus grands (maternelle à 8e année). Robotique, classe de protables, studios de radio, de musique et de télé, tout nous y est abondamment expliqué par les élèves eux-mêmes qui ont du plaisir à apprendre comme on devrait toujours avoir du plaisir à travailler nous-mêmes, car l’effort consenti est ainsi tellement agréable à faire ! Être mobilisé autour d’un but signifiant est une clé de succès indéniable.

Pendant cette journée, Roberto n’était pas au bout de ses peines. Ainsi, j’essayais discrètement de me tenir au courant, parfois via Mario, de ce qui arrivait avec cet aéroport de Presque Isle, au Maine (qui avait fermé le matin même), là où devait atterrir Marc Prensky qui arrivait de Boston pour nous donner une conférence en soirée. Au bout du compte, on a même pensé à remanier (inverser) la programmation si jamais l’aéroport ne rouvrait pas pendant la journée… Finalement, le plan B ou C n’aura jamais été nécessaire, Prensky réussissant à arriver au CAHM quelques dizaines de minutes avant sa conférence (J’y reviendrai dans un autre billet). (OUF quand même !) Pendant la conférence, j’ai profité du backchanneling Twitter pour prendre des notes (de façon un peu hyperactive, j’avoue ;-)) pour un article dans l’Infobourg, pour lequel je nous ai offerts, mon collègue David et moi, lorsque Martine Rioux demanda quelqu’un, justement sur Twitter, le jeudi après-midi, presque au moment où nous arrivions. (Un autre billet traitera du backchanneling et offrira à quiconque le désire l’ensemble des gazouillis (tweets) publiés lors de Clair2010.)

Prensky pendant sa conférence

Prensky et 6 jeunes du CAHM

Par la suite, en fin de soirée, on a pu continuer de faire connaissance avec d’autres parmi les quelque 200 participants, et ainsi partager sur nos pratiques, nos idées, etc.

SAMEDI: finalement, pour cette dernière journée, on pouvait choisir parmi de nombreux ateliers dont un nombre trop grand m’intéressait… Une chance qu’on peut par la suite en écouter quelques uns via UStream: ça aide ou aidera à en profiter encore plus, vu que personne que je connaisse n’a le don d’ubiquité 😉 !

Ainsi, je suis allé sur l’atelier sur le mobile-learning, animé par François Guité, aidé de Félix et Charles-Olivier qui se sont rendus à Clair de leur propre chef. Par la suite, j’étais avec François pour celui sur l’autonomisation des apprentissages et, enfin, j’ai participé à l’atelier sur les outils-réseaux, animé par Nelson Magoon que j’ai connu à cette occasion.

Un délicieux diner brayon (incluant les fameuses “ployes“, sorte de crêpes de sarrasin, cretons et sirop d’érable), préparé et servi par les employés de la cafétéria du CAHM, entrecoupait ces ateliers.

À la plénière qui clôturait le colloque-barcamp, plusieurs avaient la tête en ébullition, tellement le brassage d’idées éveillait nos neurones en même temps que nos émotions (J’y reviendrai dans un autre billet). Certains ont même employé l’expression «État d’ébriété intellectuelle», au colloque de l’UQ sur le numérique (#UQnum) qui suivit une semaine plus tard, expression qui fut reprise par certains ayant participé à Clair2010.

Bref, Clair2010 fut un tremplin pour plusieurs, comme Vers l’éducation 2.0 le fut pour moi le 15 septembre 2007. Pour ma part, Clair2010 fut une occasion de recharger mes batteries, de m’alimenter en idées, en réflexions, en moteur pour mieux agir.

Je voyais dans plusieurs personnes ce regard illuminé de la personne qui vient d’avoir une sorte de révélation qui remettra en question ses pratiques pédagogiques, de l’autre qui vient de découvrir quelque chose d’important dans son cheminement professionnel, etc. Il y a une grande part d’énergisation (Je sais, j’invente le mot) dans ce genre d’événement. Et pour ceux qui pensent que, comme moi, l’illumination ou le point de départ de la réflexion a déjà eu lieu quelques anées auparavant, Clair2010 ne fait que confirmer qu’il existe des modèles d’intégration des TIC qui fonctionnent, en autant qu’on ne reste pas centré sur le T de technologie et qu’on va plus loin, vers l’humain que nous sommes tous.

Je crois sincèrement que ce fut le point central du succès de Clair2010: l’événement n’était pas techno-centré, mais bel et bien centré sur l’être humain, sur l’accueil et le partage: là réside la voie du succès dans l’intégration des TIC avec nos élèves: Clair2010 me l’a confirmé, une fois de plus 🙂 ! Il nous faut donc passer à l’ère de la collaboration, ce qui constitue souvent un changement important de mentalité ou de culture. En parlant de culture et de collabo: le système de filtrage internet du MÉNB (Ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick), quant à lui, n’est vraiment pas rendu là, puisqu’il refusait l’accès plus souvent qu’il ne collaborait… Éducation à faire, ici encore face à cette approche techno-centriste plutôt qu’éducative 😉 !

C’est François Guité qui parlait d’intégrer les réseaux plutôt que les TIC: je crois qu’on en a eu un avant-goût à Clair2010 !

PHOTOS DE Clair2010: mes photos sont ici, ainsi que celle de Brigitte Long, prises pendant que j’étais aux ateliers samedi.

Voici en terminant quelques unes d’entre elles !

Tout d’abord, l’écran du backchanneling Twitter…
Backchanneling Twitter

Des élèves au travail dans la classe de Danis.
Dans la classe de Danis, on travaille sur des portables

Studio télé: image par-dessus le fond bleu = bulletin météo.
Désolé pour la qualité ici, mais la fréquence de balayage de l’écran cathodique ne faisait pas bon ménage avec mon appareil photo 😉
Écran moniteur dans le studio télé

Régie vidéo:
Régie vidéo du studio de télé du CAHM

D’autres élèves au travail:
Travail en cours par une élève du CAHM

Montage vidéo par une élève du CAHM

Anecdote avec la souffleuse: essieu rompu… Transport via l’intérieur du CAHM, pour couper court !
La souffleuse dont l'essieu s'est rompu...

Les participants impliqués dans des ateliers ou autres.

Les participants impliqués dans certaines activités de Clair2010

En terminant: merci à tous ceux qui ont fait de cet événement une réussite totale 🙂

À part ceux que j’ai déjà nommés, je ne rajoute personne, car j’en oublierais à coup sûr !

La langue – tout un plat !

 

Langues de porcOn dirait ces jours-ci que le Québec vient de se réveiller à propos de quelques changements (oui, certains les qualifient de majeurs) apportés à la langue française il y a déjà quelques années de cela (en 1990 pour être plus précis) et dont on retrouve des traces dans un document, (miniguide) placé ici (PDF), entre autres. (Le site à visiter est ici.)

Avant de crier haro sur le baudet, il faudrait peut-être se rappeler ce qui arrive avec les langues qui ne subissent aucun changement pendant des années : ces langues meurent ! Or, le français est une langue encore vivante, que je sache, alors il serait bien de considérer qu’elle puisse évoluer dans le temps, même lentement, si on veut qu’elle demeure bien vivante et non sclérosée dans une sorte de nostalgie passéiste et figée.

Non pas qu’il faille accepter tout, n’importe quoi et son contraire (si ça se peut !), loin s’en faut, mais considérer comme possible une certaine évolution dans l’orthographe de CERTAINS mots et dans l’application de certaines règles de grammaire, le tout vers une recherche d’une plus grande cohérence, même si cette cohérence, on ne la voit qu’en prenant assez de recul pour embrasser quelques siècles à la fois !!! Voyons deux exemples.

Personnellement, j’avoue avoir tiqué quand j’ai vu “ognon” au lieu du “oignon” habituel, réconfortant pour mes yeux, pour mes habitudes, etc. Mais j’ai bien vite été obligé de me rendre à l’évidence: ce mot s’est déjà écrit “ognon” en 1275, selon Hortensia68 et le Robert historique. On a donc eu, il y a plus de 7 siècles, “ognon”, qui est par la suite de venu “oignon”, pour redevenir “ognon” à partir de maintenant. 

De la même façon, on a eu “savoir” il y a plusieurs siècles, qui a été changé en “sçavoir” par un scribe zélé qui pensait que le mot venait du latin scire, puis qui, quelques autres siècles plus tard, est redevenu “savoir”, plus conforme à l’étymologie véritable de ce verbe qui vient en fait de sapere ! OUF ! (Voir ici pour de plus amples détails: recherche “scavoir” dans la longue page)

Bien entendu, des rumeurs sont colportées depuis déjà quelque temps concernant cette “nouvelle” orthographe, parfois aussi appelée “réforme” de l’orthographe, trop souvent confondue avec la Réforme en éducation au Québec qui n’a RIEN, mais alors là absolument rien à voir avec les quelques changements d’orthographe et de règles dont on parle ici. Par rumeurs, j’entends souvent celle qui dit qu’on pourrait écrire un cheval, des chevals: FAUX votre honneur ! À AUCUN endroit du document précédemment mentionné, il n’est question de modifier le pluriel des mots en -al. Oui, on modifie quelques accents circonflexes devenus depuis longtemps complètement inutiles et autres trucs du genre, mais on ne change pas les fondements de la langue elle-même !

Alors continuons d’écrire notre langue belle avec toute la rigueur et l’application nécessaires et arrêtons de faire une chasse aux sorcières avec pas grand chose en bout de ligne et, surtout, cessons de crier aussitôt que nos petites habitudes chéries sont très légèrement bouleversées pour quelques mots par ci par là. Entre accepter n’importe quoi et subir quelques changements mineurs, il y a un char et une barge de nuances importantes que notre affectif, attaché aux traditions confortables et confortantes (réconfortantes aussi), tente d’occulter et d’écarter du revers de la main : la situation n’est jamais aussi simple qu’on voudrait bien se le laisser paraitre !

En complément :

Lettre que j’aurais voulu écrire et que je cosignerais sur-le-champ 🙂

Discussion chez Christiane Charrette à propos de cette réforme de l’orthographe.