Y en a marre de la désinformation – éducation au Québec

Ça fait un moment que la question me turlupine, voire m’exaspère, surtout quand j’entends telle ou telle connerie, niaiserie, chose de la part de la ministre, etc., etc.

Aujourd’hui, je retrouve cette lettre d’une collègue, affichée sur le babillard dans la salle des profs. J’ai tout de suite eu le goût de vous partager cette lettre, avec le consentement de l’auteure, bien sûr !

Voici donc la lettre d’Isabelle Arseneau, une jeune enseignante talentueuse et prometteuse, qui se décourage parfois comme nous tous devant certaines absurdités colportées à gauche et à droite, souvent sans mauvaise volonté, bien sûr également, mais pas tout le temps peut-être malheureusement !

PARENTHÈSE

J’en profite pour “ploguer” ici un autre texte génial, d’André Roux celui-là, qui a décidé de pondre ce fameux billet après presque 2 ans d’absence de la blogosphère (mais pas de la Twittosphère, par contre 😉

/PARENTHÈSE (fin de la)

Marre

Lettre d’Isabelle Arseneau à Claude Bernatchez, animateur du matin à la Première Chaîne de Radio-Canada.

«Bonjour M. Bernatchez,

Je vous écris, et c’est une première dans mon cas, en réaction à ce que j’ai entendu sur vos ondes concernant les déclarations de la Ministre sur ce que vous avez qualifié de «réforme de la réforme». J’étais très en colère, je le suis encore. Comment une représentante syndicale peut-elle défendre la situation des enseignants sans même être en mesure d’expliquer la différence entre une connaissance et une compétence? Ce bafouillage était non seulement une insulte pour tous les professionnels qui ont investi du temps à s’approprier ces termes, à ajuster leurs pratiques, mais c’était une preuve supplémentaire mettant en évidence l’incompréhension des détracteurs de cette dite réforme que je préfère nommer «Renouveau pédagogique».

Je suis une jeune enseignante du secondaire en science et technologie avec seulement quatre années d’expérience. Je suis aussi chercheure au CRIRES (Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire, à l’Université Laval) et je travaille justement sur des approches didactiques innovantes avec évidemment le développement de compétences comme finalité. Pour faire court, je considère avoir une excellente connaissance de ce renouveau pédagogique et je considère être compétente dans l’exercice de ma pratique. Je ne veux pas faire ici le procès de tous les maux de notre système éducatif, je veux simplement remettre certaines choses au clair. Il y en a marre de la désinformation par rapport à l’éducation!

D’abord, qu’on s’entende bien. La connaissance est nécessaire à la compétence. Il n’a donc jamais été question de mettre de côté les connaissances. Tous les enseignants que je côtoie n’ont jamais arrêté d’évaluer les connaissances! Bien au contraire. Ce qu’on demande maintenant c’est d’utiliser ces connaissances dans un contexte. C’est aussi de faire des liens, de poser un jugement, de vulgariser, etc. C’est une tâche certes plus complexe, mais qui donne un sens aux apprentissages et qui tend à former des citoyens compétents.

Prenons l’exemple que vous avez utilisé ce matin. Je ne suis pas formée en géographie, mais je peux vous expliquer que la connaissance des provinces canadienne est une chose, mais que savoir lire une carte en est une autre. Vous comprenez? Un autre exemple dans mon domaine disciplinaire, qui résume ce que je fais présentement avec mes élèves de troisième secondaire. Comme avant, l’élève doit connaître l’organisation cellulaire. Mais maintenant, il est amené à se positionner sur l’utilisation de biotechnologies comme la vaccination, l’utilisation du lait cru, l’utilisation de cellules souches ou autres sujets d’actualité lui permettant non seulement d’utiliser ses connaissances dans un contexte réel, mais aussi de se former comme citoyen responsable. Je pourrais vous expliquer longuement la grande pertinence de ce virage dans le système d’éducation, qui suit d’ailleurs une tendance mondiale. Le problème M. Bernatchez, c’est que même la Ministre de l’éducation a peine à comprendre ce qu’est la compétence.

Un dernier point, si je peux me permettre, concerne cette fâcheuse tendance à se concentrer sur le décrochage plutôt que sur la réussite, sur l’apprentissage, sur l’engagement étudiant, etc. Ce n’est pas en demandant aux enseignants de travailler le samedi qu’on règlera le problème. Leur tâche est déjà très lourde à porter. Il me semble évident qu’une des premières choses qui accroche un jeune à rester en classe, c’est un enseignant motivé et motivant qui cherche à diversifier ses approches pédagogiques stimulant ainsi tous les types d’apprenants. Le problème c’est que les jeunes enseignants, comme moi, aussi passionnés qu’ils peuvent l’être, mettent constamment en doute leur carrière dû au «bénévolat obligatoire» qu’on exige d’eux. La profession est sous-valorisée et la ministre se permet de faire de l’ingérence dans leur pratique. Est-ce que le Ministre de la santé dit aux médecins comment poser un diagnostique? Alors, pour quelles raisons Mme Courchesne se permet de dire aux enseignants comment évaluer leurs élèves quand visiblement elle n’a aucune idée de ce qu’est la compétence? L’exemple du retour aux chiffres en est le parfait exemple. Elle n’a pas non plus la vision du contexte de la classe et de ce que peut représenter le travail d’un enseignant au quotidien.

Je constate, oui, qu’il faut revisiter l’évaluation des compétences telle qu’elle se fait présentement, mais ce n’est pas nécessaire de revenir en arrière. Il y a de grandes choses qui se font dans les écoles M. Bernatchez et il faut arrêter de croire que tous les élèves du secondaire ont envie de décrocher. Plusieurs sont engagés dans leurs études et motivés (comme peut l’être un ado!) à venir en classe. Il faut se concentrer sur l’apprentissage, valoriser la réussite. Le problème est pris à l’envers. Plutôt que de monter une nouvelle marche on nivelle vers le bas. C’est bien dommage, surtout que le système est en train de drainer les jeunes enseignants motivés, déjà fatigués.

Merci pour votre lecture,
En espérant entendre une réponse aux propos tenus ce matin lors de votre émission,

Bonne journée,

Isabelle Arseneau
Enseignante de science et technologie»

22 Replies to “Y en a marre de la désinformation – éducation au Québec”

  1. Isabelle, bienvenue dans le monde des grands : vous êtes enfin sortie de l’école…

    Gardez cependant votre candeur, mettez à profit vos talents pour découvrir les beautés de ce monde et les faire découvrir à vos élèves, tout en leur permettant de prendre conscience des pièges de ce même monde…

    Un conseil, d’un vieux prof (20 ans de carrière cette année) : ne gaspillez pas votre temps à combattre des moulins à vent.
    Les politiques passent, vous serez toujours face à vos élèves dans 20 ans…

  2. Entendu ce matin dans ma salle de profs…
    «En tout cas, j’ai assez hâte de revenir aux connaissances, c’est ridicule enseigner par compétences…»

    Je suis aussi très très écoeuré de ce colportage de conneries!

  3. Gazouillis qui ont mentionné cette lettre (Je mets ça ici surtout pour Isabelle qui n’est pas sur Twitter, afin qu’elle voie ce qu’elle suscite !)

    1-le CTREQ-RIRE retweete.

    2-Pierre Poulin : collègue a en marre : http://bit.ly/cWECZm ! (via @slyberu)/ Moi aussi doù motivation recherche PhD sur environnement stimulant apprenti…

    3-François Bourdon : RT @ppoulin: collègue a en marre : http://bit.ly/cWECZm ! (via @slyberu)

    4-André Roux : Le contenu du billet de @slyberu est très touchant … http://tinyurl.com/ydc22vg Il y a une belle relève et elle gagne à être reconnue !

    5-André Roux, bis: @slyberu Re Isabelle: Il faut… non… IL FAUT trouver une façon de donner de la visibilité à ce qu’isabelle fait avec ses élèves.. Un MUST

    6-Nathalie Couzon: @slyberu Merci et bravo à ta collègue http://bit.ly/cUnH9b

    7-Sébastien Stasse retweete.

    8- À suivre…

  4. Félicitation Isabelle pour ton billet par personne interposée! Merci à Sylvain de te publier et de nous permettre de te lire.

    Je suis très heureux de lire une enseignante qui s’exprime ainsi sur l’apprentissage. C’est très rassurant!

    Pour les journalistes, il serait peut-être temps que vous interviewez des enseignantes comme Isabelle.

  5. Je tiens à exprimer mon opinion qui va à l’encontre du vôtre. Je ne suis pas un fan de la ministre et je suis bien content de voir la motivation de Mme Arseneau.

    Cependant, je sens dans sa lettre le discours classique “pro-réforme” qui soutient que les profs qui ne sont pas d’accord avec les fondements de celle-ci et avec les approches qu’elle préconise surtout ne comprennent pas bien les nouveaux programmes et ne sont pas assez formés.

    Ai-je besoin de vous rappeler que le retour à une évaluation des connaissances en pourcentages doublée de l’évaluation de certaines compétences est une demande qui provient des enseignants ? La plate-forme pédagogique de la FAE a été faite après avoir consulté TOUS les membres.

    Je ne suis pas d’accord pour dire qu’il faut retourner aux programmes de 1980 et je ressens comme vous l’improvisation au Ministère, mais vous pourriez démontrer plus de respect pour les réflexions de vos collègues. Personne ne peut se vanter de répandre LA vérité…

    1. D’abord merci Alfred de votre commentaire.

      Il est évident que beaucoup d’enseignants ont été mal formés, voire trop peu formés, concernant l’implantation de cette réforme. Cependant, votre commentaire a le don de soulever le vrai problème à mon avis, élément sur lequel on n’a pas suffisamment travaillé encore et que souligne d’ailleurs avec justesse Isabelle Arseneau: l’évaluation des compétences telle qu’elle se pratique présentement a quelque chose d’irréalisable ou de surréaliste…

      Il ne faudrait pas non plus voir en la FAE un syndicat représentant TOUS les enseignants. La moitié des enseignants du Québec, peut-être, mais pas plus. Et combien ont voté ce retour dans le passé ? Combien de pourcentage des membres étaient présents lors du vote: je ne le sais pas, peut-être que vous, vous savez… J’ai déjà vu des votes syndicaux être pris avec un quorum tout juste atteint, car beaucoup de gens en ont marre de certains sujets, etc. La chose peut être possible ici, mais ce n’est peut-être pas le cas non plus: j’aimerais savoir…

      Il ne faudrait pas non plus voir dans un texte quel qu’il soit, un radicalisme ou une polarisation pro ou anti réforme selon l’allégeance perçue, mais plutôt de voir des enseignants qui tentent de cheminer, d’évoluer, de tenir compte des nouvelles recherches en pédagogie qui ne sont pas toutes des âneries.

      Je ne dis pas que votre commentaire voit les choses exactement de ces façons de voir les choses, mais je prends le temps de souligner ici juste pour nuancer le discours pour faire vraiment état d’une situation complexe ou les tares sont multiples et où les succès existent malgré tout ce qu’on dit…

      Je suis complètement d’accord avec vous quand vous dites qu’il ne faut pas revenir aux années 1980 ou même avant (si je considère des discours entendus ailleurs qu’ici)… Nous devons réajuster des choses, et c’est complètement normal, mais de grâce, arrêtons de penser que les connaissances étaient disparues depuis 10-12 ans, c’est complètement faux.

      De plus, je peux vous dire que dans mon école, comme peut-être dans plusieurs autres au Québec, le personnel est assez divisé sur la question: beaucoup vivent assez bien, ou très bien même, avec la réforme. D’autres moins bien et quelques uns, pas bien du tout, mais ils ne sont pas si nombreux que ça. Je peux donc vous dire que le texte d’Isabelle a été bien reçu dans mon école par les gens en général et qu’aucun pour l’instant ne s’est senti menacé ou traité avec irrespect comme vous le mentionnez en fin de commentaire.

      Isabelle pourra le dire elle-même, mais je pense qu’elle ne se réclame pas d’avoir LA vérité ni moi non plus d’ailleurs. Isabelle a lancé un cri du coeur face à tout ce qu’on entend, qui tient parfois de l’absurde, ou presque. Dans mon cas aussi, mon coeur crie parfois et, pour son bien et pour celui des cardiologues débordés (!), je veux bien le laisser crier de temps en temps pour faire contrepoids à certains ténors forts en gueule qui nous abreuvent de choses qui ne tiennent pas compte de toute la complexité de la vie réelle dans les écoles. Car, oui, la réforme peut apporter du positif dans la vie réelle d’une école. mais on ne le dit pas souvent, ou on en parle moins souvent…

  6. Autres gazouillis ce matin:

    1- Pierre Lacnahce, du RÉCIT: «[…]pour quelles raisons Mme Courchesne se permet de dire aux enseignants comment évaluer[…]» Bonne question! recit.org/ul/0kk

    2-Infobourg: Y en a marre de la désinformation – éducation au Québec http://bit.ly/cWECZm

  7. Alfred,

    Je constate que le contenue de ma lettre est venue toucher votre corde sensible. Je tiens à répondre à votre propos car je ne pense pas avoir manqué de respect envers aucun de mes collègues enseignants, qu’ils soient pour ou contre cette réforme. Contrairement à ce que vous avancez, Monsieur, je ne me considère pas comme quelqu’un étant pro-réforme. Comme vous, j’en saigne (si vous me permettez ce jeu de mots). Je sais pertinemment qu’il y a plusieurs dérives engendrées par ce Renouveau pédagogique. La première touche l’évaluation. La correction est déjà devenue pour moi (et pour vous je suppose) un véritable cauchemar et les outils d’évaluation qu’on nous propose sont devenus d’une complexité telle que le élèves ont peine à comprendre les critères d’évaluation. Les examens sont devenus des tests de lecture dans presque toutes les matières, ce qui ne vient certainement pas aider un jeune décrocheur qui a probablement déjà de grandes difficultés en français!

    Cela dit, je suis certaine (sans prétendre posséder LA vérité, comme vous dites) que tous les enseignants souhaitent que tous leurs élèves se développent et deviennent éventuellement des personnes compétentes, tant socialement que professionnellement. Si ce n’est pas le cas, alors je comprends mal pourquoi je me suis engagée dans l’éducation.

    Je maintiens néanmoins qu’un virage dans le système éducatif était nécessaire. Je suis convaincue que les fondements derrière la réforme et l’approche par compétences sont justes. Le véritable problème, à mon humble avis, c’est dans l’intégration et l’application de ces beaux principes. C’est là où le bât blesse, mais je pense encore fermement que ce n’est pas en revenant en arrière que nous ferons avancer les idées. Je ne pense pas qu’évaluer des connaissances, ce que je fais de toute façon, apportera une solution aux problèmes que nous rencontrons.

    C’est mon opinion, Monsieur. Comme jeune enseignante précaire qui enseigne depuis seulement quelques années, qui travaille tous les jours au développement de dizaine de jeunes, qui doit monter deux trois cours par année sans savoir ce qui l’attends l’an prochain, je n’ai pas du tout l’impression que l’accent mis sur les connaissances vaut tout cet émoi. Je fais de mon mieux Monsieur, et je cherche même à dénoncer ce qui m’apparaît inacceptable. Je trouve que vous me juger très sévèrement, même si je peux me mettre à votre place et comprendre votre frustration. Je cherche à être optimiste, car je remets en doute trop souvent ma carrière. Ce qui me motive, ce sont mes élèves, ce sont les moments (pas toujours drôles!) que je partage avec eux. Mais je ne sais pas si le “feu sacré” que je porte en moi restera longtemps allumé…

  8. Je me rends bien compte que j’ai suscité le débat !

    @ Sylvain

    – Vous visez juste quand vous parlez de l’irréalisme de l’évaluation des compétences. Le réel fait en sorte que la belle idée doit aboutir à un jugement au bulletin. On ne passe pas à côté de ça et les programmes présentent de grandes lacunes en ce sens.

    – En effet, la FAE ne représente pas même la moitié des enseignants du Québec. J’ai amené le sujet sur la table parce que je sens bien que certains changements proviennent des travaux de cette nouvelle fédération. Pour répondre à votre questionnement, tous les membres ont reçu deux consultations sur la plate-forme pédagogique. Chaque membre a donc pu répondre individuellement, par écrit et sans l’influence de quiconque. Je suis d’accord avec vous, les assemblées générales n’auraient pas permis cela. Il faut aussi dire que la FAE regroupe surtout des enseignants de la grande région de Montréal et de l’Outaouais, mais la plate-forme pédagogique (diffusée sur le net) est bel et bien le fruit de la consultation de tous les membres.

    – Je comprends bien que le texte de Mme Arseneau n’a rien de radical. Si j’avais senti que c’était le cas, je n’aurais pas pris la peine d’y répondre…

    – Je ne disais pas que vous ou Mme Arseneau prétendiez détenir LA vérité. Je parlais de certains ténors pro-réforme ou de quelques conseillers pédagogiques que j’ai connus.

    – J’en ai aussi contre certains changements à l’emporte-pièce et contre certaines fausses déclarations (on n’enseigne plus rien, on ne fait plus de dictées).

    – Parlant de conseillers pédagogiques, la perte de spécialisation de ceux-ci fait aussi en sorte que plus personne ne peut vraiment outiller les enseignants. Dans plusieurs CS, ils son devenus généralistes. Ils “accompagnent” dans toutes les matières. Comment est-il possible d’aller au fond des choses ? On reste souvent dans les généralités, dans l’incapacité d’expliquer le pourquoi des choses. Me dire que quelque chose est obligatoire ne me convainc pas. Le fait que plusieurs conseillers ne bâtissent plus de matériel, qu’ils ne font qu’animer des discussions, est aussi un problème pour moi.

    – Sur le plan des fondements et de la recherche, je me permets de souligner que toutes les recherches ne vont pas dans le sens du socio-constructivisme et que tous les pays industrialisés non plus. Toutes les recherches sur le sujet ne sont pas de qualité, d’un côté comme de l’autre, mais l’argument de la philosophie nouvelle qui ne se compare à aucune autre parce qu’elle est tellement moderne et révolutionnaire, c’est loin d’asseoir la crédibilité de certains pans des programmes. L’argumentaire quasi religieux qu’on nous sert parfois me fait pousser des boutons.

  9. @ Isabelle

    – Je suis désolé d’avoir insinué que vous aviez personnellement manqué de respect envers vos collègues. Je me suis probablement laissé emporter en pensant à d’autres collègues… Mes excuses.

    – C’est merveilleux ! Nos idées se rejoignent quand il est question de l’évaluation et spécialement des épreuves venues du MÉQ.

    – Évidemment, je veux que mes élèves deviennent compétents, mais est-ce que les programmes devraient préconiser certaines approches pédagogiques plutôt que d’autres pour y arriver ? Je n’en suis pas si sûr. Il ne faut pas oublier que tout ce qui est vécu en classe est, quoiqu’on fasse, artificiel parce que dirigé par un enseignant et dicté par des visées pédagogiques.

    – Comme je l’ai mentionné dans ma réponse précédente, il n’y a pas unanimité sur les fondements de la réforme, autant du côté de la recherche, que de celui des didacticiens ou des enseignants. Un retour en arrière ? … non. Une véritable réflexion ? … oui.

    – Tant mieux si voua évaluiez des connaissances, mais il se pratique encore parfois de l’évaluation “à l’effort” ou “au progrès” qui permet d’obtenir de bons résultats sans maîtriser le contenu des programmes. On nous sert des arguments des premières heures de la réforme pour se justifier dans ces cas-là.

    – Comme vous, et contrairement à ce que mon pseudonyme laisse croire, je suis moi aussi précaire et je dois créer mon matériel chaque année. Je ne suis pas plus enchanté que vous de voir qu’on nous balance des changements mal préparés d’année en année, mais est-ce que ces changements sont tous mauvais parce que dérangeants et remplis d’opportunisme politique ?

    Finalement, je vois bien qu’il est très agréable de discuter avec vous et je reviendrai certainement lire vos réponses.

  10. Juste un mot pour vous remercier.

    Je suis un directeur d’école à la retraite; j’ai participé, depuis le début à l’implantation de la Réforme.
    Je désespérais de n’entendre qu’une voix … la voie politique, celle où se promène les votes.

    J’exhorte tous les jeunes enseignants et enseignantes, tous les professeurs qui ont à coeur une relation pédagogique ouverte et adaptée aux besoins des élèves des années 2000, tous les intervenants qui ont cru et croient encore aux fondements du Renouveau pédagogique, je vous demande de prendre la plume, d’élever la voix et de dire haut et fort l’énergie, le coeur et la passion que vous mettez à instruire et à éduquer la jeunesse québécoise.

    Pendant un bout de temps, j’ai pensé qu’il n’y avait que la ministre et les syndicats qui parlaient d’éducation !!!

    Merci ! Vous m’avez rassuré.

    La Réforme était nécessaire et essentielle (il faut se le rappeler …) et l’Éducation a besoin de visionnaires, pas de politiciens !!!!

  11. Formidable! La lettre, le billet, les commentaires. Tout cela me réjouit et montre à quel point nous sommes tous impliqués et passionnés. Si tu me le permets Sylvain, j’aimerais mettre un lien (vers ce billet) sur mon blogue; cela ne concerne pas spécifiquement la France, mais la lettre d’Isabelle, ainsi que les réactions qu’elle a suscitées et que tu relayes si bien, intéresseront forcément tous mes (futurs)collègues -où qu’ils soient-. Merci encore!

    PS: j’arrive après la “bagarre” (je le dis gentiment) il me semble. Vacances scolaires obligent! 😉

    1. Perso, je ne vois aucun problème à ce que tu mettes un lien sur ton blogue 🙂 Go !

      Je crois qu’en éducation autant sinon plus qu’ailleurs, nous devons unir nos forces et discuter ensemble, au lieu de se polariser (pour ou contre) dans des débats stériles ou stérilisants. Comprendre la position de l’autre et vice versa permet d’avancer et de construire, voire même de co-construire ensemble notre vision de l’éducation… et l’appliquer !

      L’union des forces formidables qui font partie de ce monde de l’éducation, plutôt que l’isolement des gens, voilà mon leitmotiv qui m’a fait placer cette lettre ici après en avoir parlé avec l’auteure.

  12. @ Richard Migneault

    Je suis un jeune enseignant. J’ai une relation pédagogique ouverte avec mes élèves et je m’adapte à eux. Je mets de l’énergie, du coeur et de la passion dans mon travail. Je referais les mêmes choix professionnels si j’avais à recommencer.

    Cependant, je ne -crois- pas aux fondements de la Réforme. Et c’est justement le problème. On m’a souvent présenté ces fondements sous la forme du “crois ou tu es un vieux crouton dépassé”. Manifestement, cette vision des choses (Les jeunes, les passionnés et les modernes sont plutôt Réforme alors que les vieux, les blasés et les traditionalistes sont contre).

    Je suis bien déçu que vous répétiez les erreurs des premières heures de la Réforme pour tenter de convaincre avec fort peu d’arguments…

  13. @ Sylvain

    Je suis tout à fait d’accord avec vous. Cette union des forces se fait au quotidien, avec les collègues, même si nos visions pédagogiques ne se rejoignent pas complètement.

  14. Deux petits commentaires, lorsque Isabelle Arseneau écrit:

    “c’était une preuve supplémentaire mettant en évidence l’incompréhension des détracteurs de cette dite réforme”

    Ne trouvez-vous pas que cette position est une généralisation abusive? Croyez-vous vraiment que tous les détracteurs de la réforme sont tous des ignares en ce qui a trait à ces questions?

    Et lorsqu’elle se plaint que Mme Courchesne fait de l’ingérence et impose des façons d’agir aux enseignants, ne croyez-vous pas que bien des enseignants ont ressenti la même chose sous le règne de François Legault lorsque celui-ci a dirigé l’implantation de cette réforme ? Ne croyez-vous pas également qu’il s’agissait d’une ingérence dans les pratiques des enseignants? Ce « virage » que vous qualifiez de « nécessaire » n’implique-t-il pas justement de changer les pratiques des enseignants?

  15. Je suis une étudiante en éducation préscolaire et enseignement primaire et depuis le début de la réforme jusqu’à l’annonce toute récente de Mme la Ministre, je n’ai eu de cesse de changer d’opinion. En fait, elle a plutôt évolué. Grâce à la superbe désinformation des médias, au tout début, avant même de lire le programme et d’être acceptée à l’université, je considérais la réforme comme une aberration. Comment enseigner des compétences s’il n’y a aucune connaissance qui les soutient? C’était le message entendu dans les médias. Ensuite vinrent l’université et le programme. Dès que j’ai compris ce qu’était le socio-constructivisme, je me suis dit : “C’est fantastique! Enfin, les connaissances vont avoir un sens pour les élèves.” Puis vint le premier stage. Où se cachait donc cette fameuse réforme si merveilleuse? Un deuxième stage, la même question se pose. Comment savoir si la réforme porte ses fruits alors que les écoles ne l’appliquent pas? (Je ne généralise que pour les écoles qui ont accueilli de mes amis stagiaires, peut-être une dizaine d’écoles dans la ville de Montréal). Qui est en cause? Les enseignants qui ne veulent pas changer leurs vieilles habitudes, les commissions scolaires qui n’ont peut-être pas assez appuyé leurs enseignants dans cette grande transition ou le gouvernement qui impose une école de pensées? Sur papier, la réforme est merveilleuse, qu’en est-il de son application générale? Une compétence est le signe de la maitrise des connaissances, non seulement de leur acquisition.

  16. @ Myriam Gendron

    Il me semble que vos interrogations contiennent une partie de la réponse…

    Le programme peut facilement être vu comme une belle idée. Il est intrinsèquement cohérent. C’est souvent sur le terrain, dans la réalité du quotidien d’une classe, que certains pans sont inapplicables.

    C’est certain qu’il y a de la résistance au changement et un manque de formation, mais est-ce que cela explique l’échec de certains pans de la Réforme ?

    J’aimerais bien lire dans quels contextes ont été réalisées les études soutenant l’approche socio-constructiviste (s’il y en a eu…) Combien de “spécialistes” venaient soutenir l’enseignant ? Dans quel milieu les études ont-elles été faites ? Quel suivi des progrès des élèves a long terme a été fait ? Qu’on me trouve une classe où tous les programmes ont été entièrement couverts en une année scolaire en faisant des projets et en y intégrant l’enseignement de connaissances en contexte !

    Si tant de gens persistent à ne pas appliquer certains changements après 10 ans et des millions de dollars en formation, peut-être qu’il y a quelque chose qui cloche à la base, non ?

    Vous remarquez certainement, tout comme moi, que plusieurs approches nouvelles et plusieurs outils pédagogiques ont fait leur apparition depuis notre passage à l’école. Les profs qui n’ont rien changé depuis 10 ans sont extrêmement rares… Si ceux-ci changent certaines de leurs pratiques et pas d’autres, il faudrait peut-être les questionner le pourquoi le leurs choix plutôt que de dire qu’ils refusent de changer…

  17. Évidemment, on enseigne toujours des connaissances. Mais le problème est qu’on ne met plus aucun accent sur leur évaluation et on s’attache trop à la finalité de la compétence dans l’évaluation à tous niveaux et dans toutes les matières. Avec cette approche, il y a moins d’enseignement systématique des connaissances et d’insistance à mettre du temps pour organiser des connaissances dans une représentation reconnue utile pour la maîtrise dans une discipline. Ce faisant, on met en péril l’émergence d’une toile de fond ou de représentations solides ou connaissances antérieures pour apprécier de nouvelles connaissances ou pour permettre de les utiliser en situation de performance d’une compétence comme l’écriture par exemple. Dans la matière que je représente, le français, depuis plus longtemps que la réforme, on a une approche par compétence. On n’enseigne plus la grammaire de façon systématique et elle est de moins en moins maîtrisée et appliquée simplement par simple méconnaissance.

    Je pense que, bien avant la réforme, des profs de sciences ou d’histoire mettaient leurs élèves au courant des aspects pertinents de leur matière pour comprendre les enjeux de société. Ils faisaient du sens. On nous faisait aussi faire des labs pour illustrer la démarche scientifique. Les profs pouvaient les impliquer dans des recherches ou des projets. Ce n’était absolument pas impossible de le faire. En math, la réforme n’a pas inventé la résolution de problèmes.

    Mais bon, avant la réforme, on laissait le prof libre de choisir d’aller dans une démarche de projets ou non, selon ce qu’il jugeait pertinent pour les élèves avec qui il travaillait. On empêchait pas personne d’évaluer et donner de l’importance à l’enseignement des connaissances souvent longues à transmettre à des élèves moyens préalables à la résolution de problème. J’ai vu ce genre de réflexe militant et franchement il me semble abusif.

    L’école de l’approche par compétence me semble «forcer» la main de tout le monde sans se préoccuper de la multiplicité des contextes et de la variété des apports des personnalités enseignantes à l’école québécoise. Elle délaisse aussi un enseignement de base tournée vers l’enseignement de réseaux de connaissance au profit souvent d’un positionnement moral fort discutable face aux connaissances.

    Je dois dire qu’en 15 ans, l’école m’a empêché de donner ce que j’avais de meilleur à donner en m’imposant de différentes façons une pédagogie qu’il est difficile d’appliquer réalistement dans le contexte de l’école secondaire au niveau régulier. Voilà pourquoi je suis franchement pour un recadrage des visées éducatives vers des objectifs de formation réalistes et laissant le soin aux divers enseignants de juger de la pédagogie utile pour rendre signifiant leur enseignement. La signification selon la réforme n’est pas la seule possible. Apprendre à écrire pour un enfant est déjà plein de sens avant même d’en voir les multiples possibilités.

    Évidemment, le débat public est toujours simplificateur. Quand on oppose les connaissances aux compétences, je crois qu’on oppose deux paradigmes d’enseignement qui ne mettent pas la priorité aux mêmes endroits.

    Chez les promoteurs de la réforme, je souhaiterais voir une capacité de voir qu’il n’est peut-être pas absolument indispensable d’imposer mur à mur, toute discipline et tout niveau confondues, un accent privilégié sur la pédagogie de projets et l’approche par compétence. Mettre l’accent sur l’évaluation des compétences, malheureusement, dévalorise un aspect fondamental de l’enseignement qu’on nomme souvent connaissance, les réseaux de connaissance qui permettent d’assoir une compréhension des phénomènes ou une représentation globale. Quand on cessera de devoir taire ou cacher notre conception de l’enseignement pour cause d’irrecevabilité idéologique, je crois qu’un meilleur climat de travail pourra s’installer pour aider l’école à grandir. Le dialogue sera plus facile. Il s’agit juste finalement de reconnaître deux aspects d’une même réalité des objets d’apprentissage humains: le besoin de se donner des concepts de savoir pour regarder le monde, le regarder pertinemment et le connaître. Le besoin d’utiliser ce bagage pour comprendre des enjeux de société ou être capable d’agir dans le monde.

    Je crois que l’enseignement de base chez l’enfant a besoin beaucoup de cartes solides pour se représenter le monde doucement. Il doit se construire avant d’appréhender le monde de façon complexe avec jugement et d’y agir comme acteur éclairé et réfléchi. La socio-construction nécessite un bagage de connaissances antérieures consistants, j’ai l’impression qu’on oublie trop souvent ce grand petit détail.

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