Les cellulaires à l’école… et quoi encore ?

Ce billet se veut la suite du précédent, dans lequel il est question de la discussion que j’ai menée avec mes élèves au sujet des cellulaires à l’école.

Mise en contexte : le vendredi 2 mars 2012, à la suite d’une invitation de la recherchiste de l’émission Maisonneuve en direct, Gabrielle Cimon, à me joindre au débat ressorti ce jour-là par le texte de Chantal Potvin, une enseignante désespérée par la prolifération des cellulaires dans notre société, particulièrement à l’école, j’ai finalement décidé de mener une discussion avec le groupe d’élève avec lequel j’avais un cours lors de cette période-là et de faire parvenir les propos des élèves à madame Cimon par courriel, vu que je ne pouvais être présent par téléphone pendant l’émission. Des phrases de mes élèves ont été lues en direct. On retrouve l’intégralité du texte des élèves et le mien dans le billet précédent.

De plus, le 22 mars dernier, je prenais connaissance d’un autre texte où il est encore question d’enseignants frustrés par la prolifération du cellulaire… Soupirs ! Et je ne parle pas du désormais “célèbre” pourrisseur du web qui nous fait part de ses pièges aux élèves ici et qui fait réagir grandement (1, 2, 3, 4 (compilation de réactions), 5, 6, etc.)

Maintenant, voici mon opinion sur le sujet des cellulaires et des technologies en général à l’école.

Comme l’électricité au 20e siècle a apporté une accélération formidable de la vie quotidienne en général, les technologies d’aujourd’hui (particulièrement les réseaux sociaux) apportent une formidable amplification des comportements (disait André Caron à l’émission Maisonneuve en direct du 2 mars), les bons comme les mauvais (ajouté-je). Il faut donc éduquer à cette amplification et aux comportements socialement reconnus comme bons et mauvais, comme toute société de chaque époque a toujours dû éduquer ses jeunes (et moins jeunes qui s’égarent parfois!). Donc aujourd’hui, il faut éduquer au numérique, ET ÇA PRESSE !…

Personne aujourd’hui ne voudrait abolir l’électricité, cela semble être une évidence, sauf peut-être pour quelques groupes marginaux désirant vivre en … marge de la société, justement. Probablement que personne demain ne voudra abolir les cellulaires non plus, ou les autres appareils mobiles. Nous sommes toujours dans une époque transitoire par rapport aux technologies qui émergent… Il est donc normal, pour un temps, de retrouver ce genre d’attitudes ou de comportements de la part des gens qui disent que «c’était bien mieux avant, dans l’ancien temps, etc.» (L’école a aussi vécu ça avec l’arrivée de l’ardoise, du style à bille, des transparents (acétates), de la vidéo, etc.) Mais ce genre de “raisonnement” ne peut faire qu’un temps, car la roue continue de tourner, la société d’avancer, et il faut bien finir un jour par prendre le taureau par les cornes, sinon nous aurons perdu énormément de temps et d’énergie à résister au changement qui finit par s’imposer de toute façon. Alors autant consacrer nos énergies tout de suite à définir ensemble ce qu’on veut faire des outils avant qu’on nous impose des usages, etc. Soyons pro-actifs !

(Évidemment, à propos de l’électricité ou autre inventions, je ne fais que déduire certaines choses ici, car je suis trop jeune pour me rappeler l’apparition du téléphone “ordinaire” ou l’avènement de l’électricité, cette chose étrange qui apportait avec elle bien des nouveaux appareils facilitant la vie quotidienne, etc. Suscitant parfois la crainte comme lors de l’apparition de l’automobile, etc.)

On peut poser la question autrement : peut-on vivre sans cellulaire ? Certains diront oui, pour encore un certain temps… On pourrait aussi se demander si on peut vivre sans électricité. Personne de sensé aujourd’hui, en 2012, pourrait dire oui. En même temps, comme je le disais ci-dessus, bien sûr qu’on peut vivre (ou survivre) sans électricité : la preuve, lors de pannes électriques, notre coeur continue de battre et on sort le petit poêle au butane ou son barbecue pour se faire un café 😉 ! Mais ce n’est pas ce que j’appelle vivre sans électricité de façon continue ou durable.

De plus, si on continue de pousser le raisonnement, on pourrait même se demander si on peut vivre sans agriculture ou sans élevage et ne survivre que de chasse, de pêche et de cueillette de fruits sauvages… comme il y a des milliers d’années. (OK, je l’admets, ça me tentait de charrier un tout petit peu, mais il y a quand même une partie potable à ce raisonnement poussé dans ses derniers retranchements 😉

Rendu à cette limite, on se fera vite accuser d’utiliser un raisonnement tordu, que pour les cellulaires, ce n’est pas pareil, etc. Ce à quoi j’ai immédiatement envie de répondre : «Ah oui ? Ah bon !»

Je trouve personnellement que chaque époque apporte ses améliorations, ses innovations… et ses problèmes aussi, bien sûr. Jouer à l’autruche n’aidera en rien, d’un côté comme de l’autre… Je ne me souviens pas avoir vu une société entière renier son époque ou les technologies de son époque au point d’en bannir l’usage au grand complet. (Si cela s’est produit et que vous avez un exemple, dites-le-moi et je vous en remercierai.) Alors, me dis-je, autant faire avec et éduquer à un bon emploi de ces technologies, et ce, le plus rapidement possible afin, justement, d’éviter un trop grand nombre de dérives !

Pour ce qui est de l’école, je dis simplement ceci : une école qui nie l’existence des technologies, c’est une école hors de la société, mais qui souhaite pourtant éduquer les jeunes à la vie dans cette même société. Paradoxal, non ? De plus, l’école n’est plus ce sacro-saint sanctuaire du savoir, lieu exclusif où l’on s’abreuvait de connaissances… Oui, les profs ont encore des connaissances (je l’espère !), mais ils n’en ont plus le monopole. Peut-être que c’est vu comme une perte de pouvoir par certains et, comme toutes les pertes de pouvoirs, ça fait peur. Mais on pourrait aussi, comme enseignants, se demander sur quoi avons-nous encore du pouvoir et s’en servir, pour le bien de nos élèves (ne jamais l’oublier). Je crois sincèrement que nous avons du pouvoir sur les changements, que nous pouvons faire une différence si on sait saisir les opportunités. Mais pour cela, il faut être éveillé… et veiller, de cette veille active, sur le web et ailleurs.

Donc, les enseignants (tous) ont la responsabilité, dans cette société en évolution constante, de former les jeunes à un usage intelligent des TIC et de leur faire développer, en collaboration avec tous les acteurs (*), les compétences nécessaires pour ce faire. Pour éduquer aux technologies, on n’a pas à tout connaitre des détails techniques de ces outils technologiques, mais on a à repenser la pédagogie (et l’évaluation) en lien avec l’utilisation de ces technologies qui changent les façons de faire, les façons de créer du contenu, les façons d’interagir dans la société en général, etc.

(*) Les acteurs autres que les enseignants sont tous les secteurs reliés à l’enseignement, entre autres les services informatiques, qui doivent être au service (le mot le dit, non ?) de la pédagogie, qui doivent s’asseoir avec les pédagogues afin de répondre aux besoins (parfois criants dans certaines commissions scolaires), qui doivent être au centre d’un climat de collaboration, et non dans une tour d’ivoire obsédée par la sécurité uniquement comme on voit à certains endroits. Pour éduquer les jeunes, il faut un réseau ouvert, connecté au réel, et non un vase clos avec des murs ou des filtres à outrance. Et ça, les services informatiques commencent à le comprendre à certains endroits, selon moi.

 

En terminant, quelques objections en lien avec certains arguments souvent utilisés :

Les dépendances :

-Des esclaves de la télé, ça existe. Des esclaves de n’importe quelle technologie, ça existe. Il faut donc contrer ces esclavages, les prévenir le plus possible, tout en étant conscient des avantages des technologies.

L’enseignement vs les apprentissages :

-On entend trop souvent : «Mais on est dans un milieu d’enseignement». Ce à quoi je réponds : «Eh oui ! Et on n’est pas dans un milieu d’apprentissage et/ou de réussite…?» Qu’est-ce qui est le plus important ? Une fois que nous aurons répondu à cette question, on pourra avancer.

 

Bref, selon moi, OUVERTURE ET ÉDUCATION, plutôt qu’interdiction et censure.

 

P.S.: Il faut de plus être conscient que, de plus en plus, le sensationnalisme médiatique fausse (à divers degrés selon les situations) le débat plus souvent qu’à son tour. En effet, de plus en plus de médias, soucieux de leurs cotes d’écoute avant toute chose, tombent dans ce sensationnalisme qui se répand trop souvent comme une trainée de poudre, rognant chaque jour un peu plus d’objectivité à l’information pure. Évidemment, aucun de ces concepts n’existe à l’état pur à 100% dans la nature (humaine). L’information comme l’opinion et le sensationnalisme se partagent toujours un évènement comme des gens se partagent une tarte. Reste juste à savoir qui réussit à s’emparer de la plus grosse portion. Et ça, ça ferait tout un… débat 🙂 !!!

C’est un peu comme les politiciens qui vivent un peu trop d’après les sondages et les cotes, eux aussi… Trop souvent.

 

Clair2012 – les tweets

Avant de faire ma synthèse du colloque-barcamp Clair2012, permettez-moi de mettre en ligne (enfin, diront certains) la compilation presque complète des gazouillis (tweets) postés avant, pendant et un peu après l’évènement Clair2012, tenu à Clair, NB, à l’école C@HM.

D’abord quelques statistiques ainsi que la méthode approximative utilisée pour trouver quelques résultats…

Dans le logiciel Pages (Word plantait), j’ai copié-collé tous les tweets récoltés par petits (!) fichiers dans TextEdit, un traitement de texte très “de base” mais qui permet de conserver les images des gens qui twittent. Fichier obtenu = 753 pages :-))) J’ai ensuite transformé le tout en fichier “texte pur” (.txt) et j’avais alors 450 pages quand même.

En faisant quelques recherches par mots clés dans cet énorme fichier texte, j’ai obtenu ceci :

nombre de tweets approximatif : 4500. (Explication un peu plus bas dans ce billet)

tweets mentionnant (ou émanant des) les usagers suivants :

C’est tout pour la catégorie 200 tweets et plus !

Si quelqu’un a d’autres noms à me soumettre, faites-le en commentaires de ce billet, svp ! Merci ! Il se peut fort bien que j’en aie échappé quelques uns parmi nos plus actifs 😉 !

J’ajoute ici en terminant ce petit “palmarès” que la conférence la plus “twittée” fut sans contredit celle de @ewanmcintosh, puisque j’ai été “obligé” (juste pour être sûr) de faire 3 copier-coller PENDANT la conférence, alors que pour les autres, je pouvais attendre (de justesse, il est vrai) à la fin de la conférence, après avoir mis à jour la compilation juste avant le début de chacune.

LES FICHIERS :

Les voici :

MISE À JOUR seront faites (avant le début de ce billet) avec les tweets diffusés après le 15 février 2012 AM… À surveiller sur Twitter, je l’annoncerai.

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Explications :

J’ai utilisé au départ search.twitter.com avec “#Clair2012” comme mot-clé recherché. Ce site donne les dates et heures de façon relative, alors les “1 hour ago” datent du moment où j’ai fait la compilation ou l’affichage de ces données… Pas très pratique.

Par la suite, search.twitter.com a planté solide, alors je me suis tourné vers tweetchat.com, grâce à @ProfNoel (111 comme “score”), lequel affiche les dates en valeurs absolues.

Pour connaitre la totalité des tweets, 2 méthodes étaient donc possibles :

1-Rechercher toutes les occurrences du mot “ago” dans les dates relatives et additionner toutes les occurences du mot “Feb” dans les dates absolues, ce qui donne 1297 + 3179 = 4476 tweets

2-Rechercher toutes les occurences de “#Clair2012”, ce qui donne 4276. J’aurais donc, dans ma liste, 200 tweets où il ne serait pas écrit #Clair2012 directement ? En enlevant le #, j’arrive à 4326 tweets : autre bizarrerie que j’ai n’ai pas le temps de creuser. Encore là, si quelqu’un trouve, commentez ! Merci !

3-De plus, entre les 2 façons de recueillir les tweets, j’ai “perdu” environ 140 tweets que j’ai tout de même conservés en prenant 35 captures écran de ma colonne Tweetdeck, chacune des captures contenant 4 tweets (parfois 3, car je me rappelle avoir fait au moins une erreur de capture… 35 X 4 = 140 tweets.

Voilà donc comment j’en arrive à estimer autour de 4500, le nombre de tweets total rédigés du 2 au 15 février à propos de Clair2012.

Évolutions – Révolutions – Que choisir ?

Vendredi soir dernier, se tenait à Québec un TweetUp Édu (TweetUp = réunion de gens présents sur Twitter, mais réunion en personne, généralement autour d’une bière ou autre breuvage du genre, dans un lieu où l’on peut discuter tranquillement de choses et d’autres, refaire le monde à l’occasion, échanger en temps réel tout en mentionnant quelques trucs au clavier, car après tout, les “twitteux” sont un peu hyperactifs du clavier, non ? / Édu, quant à lui, signifie Éducation / Donc, au final, une réunion de twitteux qui oeuvrent en éducation pour la plupart, ou qui s’y intéressent grandement…)

okpoint-vert_vhnPersonnellement, je n’ai pas pu assister à ce TweetUp au cours duquel, étrangement, presque personne n’a tweeté/gazouillé, ce qui est quand même un peu-beaucoup étrange pour une réunion de twitteux, non ? Mais bon, passons, car là n’est pas l’essentiel de mon propos, même si, quand je ne peux assister à un tel événement, j’aime bien avoir une trace, un feedback, un compte rendu, via Twitter, ce que j’essaie toujours de faire moi-même au cours de colloques ou autres non-conférences, comme quand j’ai assisté à Clair 2010, Génération C, etc. L’enrichissement peut alors être mutuel, collectif au sens encore plus large, etc. Plus on est nombreux à discuter, plus ça peut devenir enrichissant, non ? Etc.

Mais là où je veux en venir, c’est à propos d’un début de discussion qui s’est passé non pas sur Twitter, mais chez une amie Facebook qui, comme moi, ne pouvait assister au TweetUp de vendredi dernier.

Comme moi, elle s’est informée en posant des questions, car elle ne voyait presque rien qui transparaissait de ce TweetUp. Puis quelqu’un est arrivé avec un mini-compte rendu d’une discussion sur le système d’éducation qui aliènerait en quelque sorte l’Éducation en général… Disons que ce commentaire Facebook était simplement un résumé très succinct d’une discussion qu’il aurait été intéressant de suivre  en temps réel et que nous devrons sans doute faire à notre tour, nous les absents de vendredi… (Tout ça pour dire que, bien qu’il me manque beaucoup d’éléments de CETTE discussion en temps réel de vendredi, on a quand même pu discuter parallèlement sur Facebook le lendemain !)

Face à ce truc d’aliénation de l’éducation en général, je me permets d’avoir des réserves face à toutes ces révolutions-bulldozers qui ont tendance à trop «tout démolir» pour tenter de rebâtir à partir de rien. «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme», dit la phrase consacrée. «Il y a toujours place à l’amélioration» est une phrase que j’aime bien prononcer régulièrement, mais de là à toujours tout démolir pour améliorer, il y a un ou plusieurs pas que je ne peux pas franchir. D’un autre côté, il est évident que la théorie des petits pas permet parfois de se satisfaire (ou de se complaire) de trop peu d’évolution, mais je pense que de passer le bulldozer trop souvent ne permet pas d’évoluer non plus. Bref, il y a un équilibre entre l’évolution trop linéairement graduelle et la tabula rasa ! On doit parfois gravir de petites marches et parfois de plus grandes, dans cet escalier de l’évolution qui est tout, sauf une ligne droite du genre “autoroute américaine” !

Le commentaire que je faisais en substance dans la discussion chez mon amie Facebook était le suivant: c’est un peu comme si on avait affaire à un cercle (quelque chose de parfois cyclique, peut-être, je ne sais pas d’où est sortie cette forme géométrique de mon esprit ;-)). Dans un cercle formé par une ligne droite (ou une ligne du temps) recourbée, deux extrêmes sont en fait le même point. Donc, vouloir le statu quo ou vouloir tout jeter par terre et repartir à zéro (deux extrêmes) peut finir par équivaloir au même point sur ce cercle… Alors l’équilibre se situe donc sûrement entre les deux, ce qui nous laisse tout le reste du cercle pour évoluer, créer, imaginer un lendemain meilleur, etc.

Bien sûr, l’évolution seule ne suffit parfois pas, il faut parfois ajouter un R, même minuscule, et alors parler de r-évolution… Je l’ai dit, la ligne droite insipide correspond rarement au réel, alors l’évolution n’est pas linéaire elle non plus. Il peut y avoir des soubresauts… Parfois, il peut même arriver qu’on recule pour mieux rebondir vers l’avant par la suite, mais il faut être vigilant dans ce genre d’exercice, comme société, si on veut éviter les écueils de la nostalgie faussement salvatrice, mais vraiment conservatrice !

Par la suite, l’amie Facebook me faisait remarquer que le TweetUp se passait au Cercle… et qu’un cercle qui avance effectue des révolutions… Ayayaye !!! On n’est pas sorti de l’auberge 😉 !

Un cri du coeur

Hier soir, une amie me fait part de l’agression qu’a subie son fils à son école primaire. Triste événement comme il s’en produit malheureusement trop dans une seule journée… Pour son fils, c’est une énième épreuve, puisqu’il y a déjà eu pareils événements, le tout durant depuis plusieurs mois.

Que faire pour que cesse cette violence insensée ? Que faire à part crier sa douleur ?

Voici un cri du coeur écrit par cette mère à qui j’ai offert humblement de publier ici, pour laisser des traces et pour que de plus en plus de gens prennent conscience de l’urgence d’agir... Pour partager sa douleur, aussi…

munch_TheScream

Je suis tombé par terre, c’est la faute à…

De Gavroche, aujourd’hui, mon fils avait l’air dépenaillé : culottes déchirées, mine défaite, visage couvert de larmes. Pourtant, il n’était pas monté aux barricades, brandissant l’étendard rouge de la Révolution. Il n’avait pas défendu de grands principes comme l’égalité, la liberté ou encore la fraternité. Non, il s’était contenté comme tout jeune Québécois de dix ans d’aller à l’école et d’y aller pour en revenir plus instruit, plus socialisé et plus qualifié[1]. Il l’avait fait avec sa bonne humeur et sa naïveté naturelles, persuadé comme chacun de ses camarades de classe qu’il n’y avait rien de risqué, rien de dangereux là.

Et pourtant, ce soir, c’est les hanches couvertes d’ecchymoses, c’est la douleur dans le corps et dans l’âme, c’est l’air triste et abattu qu’il est sorti de l’école, clopinant sur une jambe et grimaçant à chaque fois qu’il posait le pied par terre! Comment ça? Pourquoi? Que s’est-il passé? Il s’est fait agresser. Simplement. Gratuitement. Sans aucune raison sinon d’avoir attrapé un ballon à la place d’un autre. Ce même autre qui, il y a six mois, le rouait de coups de pieds dans le ventre parce qu’il lui avait coupé le chemin! Ce sera quoi la prochaine fois? Parce qu’il y aura fatalement une prochaine fois. Pas que je souhaite du mal à mon fils, vous pensez bien! Non, mais parce que je sais, et ça me fait un mal de chien d’écrire cela, que ça recommencera, encore et encore, que ce soit mon fils la victime ou un autre enfant.

Il y en aura toujours un pour se croire plus fort, pour se croire tout permis, pour violenter un plus petit, un plus doux, un plus inoffensif, parce qu’il n’y a jamais de véritables actions qui sont posées contre ces bourreaux en culottes courtes. Il y a le laxisme des éducateurs, le laxisme des parents, le laxisme de la société qui banalisent les gestes violents, intimidants, harcelants et destructeurs.

J’en ai plus que marre d’essayer de convaincre mon fils de mettre en pratique les cours de karaté que je lui ai payés il y a deux ans et de se faire justice lui-même parce que j’en suis rendue là aujourd’hui, parce que je suis tellement écœurée que ça tombe toujours sur lui que j’en viens moi aussi à prêcher la violence!

La première fois, je me disais et je lui disais : «Ne leur prête pas attention.  Sois plus intelligent qu’eux. Ne tombe pas dans ce piège. Ne réponds pas à leurs attaques. Plains-toi aux adultes responsables. Blablablabla…. » Et puis c’est arrivé une deuxième fois, et puis une troisième, et encore, et encore…

Alors fini les belles paroles, fini la gentillesse, fini la compréhension, fini les plaintes! Fini, F-I-N-I ! Demain, si la direction de l’école de mon fils ne me prouve pas que des gestes concrets, tangibles, réels, efficaces, seront posés pour que la situation change, pour que les petits bums de l’école soient rendus conscients et comprennent enfin qu’ils ne peuvent pas continuer impunément à se comporter comme des cow-boys du far-west, sans foi ni loi, je monterai moi-même aux barricades et je brandirai le drapeau rouge de la Révolution, rouge du sang de mon enfant, rouge comme mon cœur de mère qui saigne, rouge comme ma colère qui gronde en dedans, rouge comme le soleil sur l’horizon en espérant qu’il verra un jour meilleur se lever.

Nathalie Couzon, 20 septembre 2010


[1] Voir les trois missions de l’école québécoise  « L’école a une fonction irremplaçable en ce qui a trait à la transmission de la connaissance.[…] Dans une société pluraliste comme la nôtre, l’école doit être un agent de cohésion : elle doit favoriser le sentiment d’appartenance à la collectivité, mais aussi l’apprentissage du «vivre ensemble». […] L’école a le devoir de rendre tous les élèves aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire ou à s’intégrer à la société par la maîtrise de compétences professionnelles. http://www.mels.gouv.qc.ca/reforme/pol_eco/ecole.htm

Rencontre de voyage

moteldescedresC’était cet été, au milieu de nulle part dans la Vallée de la Matapédia, un soir ordinaire à un motel ordinaire.

Nous sirotions un breuvage, bien calés sur des chaises rondes en plastique des années 1970, devant la porte de notre chambre, quand tout à coup, arrive un homme, seul à moto, une moto puissante, mais pas trop, ni très grosse comme les motos de tourisme ni très petite comme les “scooters” déguisés en motos…

Le gars quitte sa monture, l’air juste un peu fatigué, mais expérimenté – «un gars de bicycle», me dit l’autre, – et nous aborde en nous demandant, en anglais, s’il reste des chambres. Nous lui signifions notre ignorance à ce sujet, vu que beaucoup de voyageurs sont arrivés juste après nous, sans doute aussi tannés que nous de la construction qui nous avait arrêtés à Causapscal pendant presque une heure…

L’homme réussit à avoir une chambre. La conversation commence. Il trouve sa chambre bien trop grande: deux grands lits pour un «cowboy solitaire»…

Notre voyageur a parcouru des milliers de kilomètres jusqu’ici. Il vient de Kelowna, B.C. Il s’est rendu jusqu’à Terre-Neuve, avec un copain californien, en passant par les États-Unis. Le copain voulait revenir en roulant sur des routes de son pays; notre voyageur, lui, dans le sien. Ils font donc route seuls maintenant, chacun de son côté.

L’homme raconte ensuite qu’il a de la parenté au Québec, une belle-soeur originaire du Saguenay qui habite Ottawa, là où il se rend le lendemain (!). Je le trouve bien courageux de rouler autant de kilomètres en un seul jour. Je me prends soudainement à essayer de calculer quel âge peut bien avoir notre homme: 60 ans, 65 ? Pas plus, c’est sûr. Mais lorsqu’il nous parle de son fils le plus vieux qui a 58 ou 59 ans, alors là, les hypothèses de départ ne fonctionnent plus.

Puis la question arrive. Et la réponse de tous nous surprendre énormément: 78 ans !

La surprise passée, nous apprenons que l’homme est veuf depuis plusieurs années, quand sa femme est décédée à 60 ans, d’un cancer.

Silence.

On sent l’émotion tenter une fois de plus de nouer la gorge de cet infatigable trotteur. Juste un instant. L’homme ravale, sans oublier. On n’oublie jamais. On ne se remet jamais d’un tel vide créé par l’absence… La conversation reprend soudainement sur un autre sujet.

Mais ma question demeure, au fond de moi: et si ces voyages masquaient une fuite en avant ? Ou au contraire, s’ils pouvaient apaiser le vide triste que cet homme ressentira toujours quelque part au fond de lui ? Ou quoi d’autre encore…

On ne le saura jamais.

Ces rencontres de voyage sont toujours enrichissantes, même si on ne sait pas tout de ceux qu’on croise, ces moments de partage sont importants. Ils sont humains. On connecte avec des humains qui vivent des choses universelles. Les réseaux sociaux peuvent permettre cela aussi, même si le contact en personne n’est jamais pareil… permettant de ressentir des choses que la lecture seule ne permet pas. Il y a bien sûr les webcams, mais ça non plus, ce n’est pas pareil, même si ça aide à pallier les défauts du texte seul…