Un cri du coeur

Hier soir, une amie me fait part de l’agression qu’a subie son fils à son école primaire. Triste événement comme il s’en produit malheureusement trop dans une seule journée… Pour son fils, c’est une énième épreuve, puisqu’il y a déjà eu pareils événements, le tout durant depuis plusieurs mois.

Que faire pour que cesse cette violence insensée ? Que faire à part crier sa douleur ?

Voici un cri du coeur écrit par cette mère à qui j’ai offert humblement de publier ici, pour laisser des traces et pour que de plus en plus de gens prennent conscience de l’urgence d’agir... Pour partager sa douleur, aussi…

munch_TheScream

Je suis tombé par terre, c’est la faute à…

De Gavroche, aujourd’hui, mon fils avait l’air dépenaillé : culottes déchirées, mine défaite, visage couvert de larmes. Pourtant, il n’était pas monté aux barricades, brandissant l’étendard rouge de la Révolution. Il n’avait pas défendu de grands principes comme l’égalité, la liberté ou encore la fraternité. Non, il s’était contenté comme tout jeune Québécois de dix ans d’aller à l’école et d’y aller pour en revenir plus instruit, plus socialisé et plus qualifié[1]. Il l’avait fait avec sa bonne humeur et sa naïveté naturelles, persuadé comme chacun de ses camarades de classe qu’il n’y avait rien de risqué, rien de dangereux là.

Et pourtant, ce soir, c’est les hanches couvertes d’ecchymoses, c’est la douleur dans le corps et dans l’âme, c’est l’air triste et abattu qu’il est sorti de l’école, clopinant sur une jambe et grimaçant à chaque fois qu’il posait le pied par terre! Comment ça? Pourquoi? Que s’est-il passé? Il s’est fait agresser. Simplement. Gratuitement. Sans aucune raison sinon d’avoir attrapé un ballon à la place d’un autre. Ce même autre qui, il y a six mois, le rouait de coups de pieds dans le ventre parce qu’il lui avait coupé le chemin! Ce sera quoi la prochaine fois? Parce qu’il y aura fatalement une prochaine fois. Pas que je souhaite du mal à mon fils, vous pensez bien! Non, mais parce que je sais, et ça me fait un mal de chien d’écrire cela, que ça recommencera, encore et encore, que ce soit mon fils la victime ou un autre enfant.

Il y en aura toujours un pour se croire plus fort, pour se croire tout permis, pour violenter un plus petit, un plus doux, un plus inoffensif, parce qu’il n’y a jamais de véritables actions qui sont posées contre ces bourreaux en culottes courtes. Il y a le laxisme des éducateurs, le laxisme des parents, le laxisme de la société qui banalisent les gestes violents, intimidants, harcelants et destructeurs.

J’en ai plus que marre d’essayer de convaincre mon fils de mettre en pratique les cours de karaté que je lui ai payés il y a deux ans et de se faire justice lui-même parce que j’en suis rendue là aujourd’hui, parce que je suis tellement écœurée que ça tombe toujours sur lui que j’en viens moi aussi à prêcher la violence!

La première fois, je me disais et je lui disais : «Ne leur prête pas attention.  Sois plus intelligent qu’eux. Ne tombe pas dans ce piège. Ne réponds pas à leurs attaques. Plains-toi aux adultes responsables. Blablablabla…. » Et puis c’est arrivé une deuxième fois, et puis une troisième, et encore, et encore…

Alors fini les belles paroles, fini la gentillesse, fini la compréhension, fini les plaintes! Fini, F-I-N-I ! Demain, si la direction de l’école de mon fils ne me prouve pas que des gestes concrets, tangibles, réels, efficaces, seront posés pour que la situation change, pour que les petits bums de l’école soient rendus conscients et comprennent enfin qu’ils ne peuvent pas continuer impunément à se comporter comme des cow-boys du far-west, sans foi ni loi, je monterai moi-même aux barricades et je brandirai le drapeau rouge de la Révolution, rouge du sang de mon enfant, rouge comme mon cœur de mère qui saigne, rouge comme ma colère qui gronde en dedans, rouge comme le soleil sur l’horizon en espérant qu’il verra un jour meilleur se lever.

Nathalie Couzon, 20 septembre 2010


[1] Voir les trois missions de l’école québécoise  « L’école a une fonction irremplaçable en ce qui a trait à la transmission de la connaissance.[…] Dans une société pluraliste comme la nôtre, l’école doit être un agent de cohésion : elle doit favoriser le sentiment d’appartenance à la collectivité, mais aussi l’apprentissage du «vivre ensemble». […] L’école a le devoir de rendre tous les élèves aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire ou à s’intégrer à la société par la maîtrise de compétences professionnelles. http://www.mels.gouv.qc.ca/reforme/pol_eco/ecole.htm