Finalement, les Plaines seront vides

… ou quand le symbole devient beaucoup plus fort que la réalité qu’il représente.

Le texte qui suivra ne vise pas à démontrer un défense ardue en faveur de la commémoration de la Bataille des Plaines… En fait, jusqu’à hier, j’étais d’une tiédeur “tannée” d’entendre parler de la bataille de 2009 à propos de celle de 1759 ! Mais hier, je crois qu’on a basculé dans un extrémisme ou, si on veut, un autre épisode du genre psychodrame… malheureusement !

L’illustration ci-contre de Ygreck rend très bien l’ambiance qu’ont fait régner dans les médias quelques souverainistes plutôt radicaux, voire extrémistes, dits patriotes, mais on ne sait pas trop de quel pays au juste.

En effet, ce ne sont pas les Québécois qui ont perdu en 1759, mais bel et bien certains Français… Par la suite, la France a achevé de faire ce qu’elle faisait depuis des dizaines d’années : abandonner sa colonie, ses pauvres colons, à leur propre sort. La neige, ça prenait trop d’énergie à la France de l’époque et, franchement, ti-Louis n’en avait rien à foutre, perdu dans son grand château avec sa cour…

Qui a gagné au final, dans cette bataille ? Sûrement pas les Anglais, malgré les apparences, puisque c’est probablement à partir de ce moment historique que nous avons véritablement commencé à devenir un peuple. Des gens qui luttent contre des majorités pour conserver leur culture minoritaire. Ça aura pris du temps, de la patience… une longue longue révolution très tranquille : une conquête de petits pas, des milliers et des millions de petits pas, sur le terrain, à l’usine des années 20 ou 30, dans des entreprises diverses, en éducation, etc.

C’est cette prise en main de notre destin et de notre culture qu’il faudrait célébrer pour ne pas oublier, pour ne pas oublier qu’il nous faut demeurer vigilant pour garder vivante notre culture francophone, et non française, nuance archi-importante s’il en est une !

MAIS NON !
En lieu et place, on aura préféré se comporter une fois de plus en looser de première 🙁

Il y a longtemps que nous ne sommes plus Français, mais bel et bien Québécois et/ou Canadiens francophones… Pour paraphraser le personnage du tristounet Falardeau, personnage né en 1985 sous une forme d’Elvis (Gratton pour les intimes), nous sommes des Américains francophones. Juste à regarder notre façon de fonctionner par rapport à la manière française pour constater d’énormes différences ! (Ceci étant dit juste en observateur, sans préciser si une manière est meilleure qu’une autre ;-))

Au lieu de dire qu’on célébrait notre défaite, on aurait pu célébrer une prise en main de notre destin, une attitude gagnante, mais on aura préféré jouer à celui qui “est né pour un petit pain”, noir, rassis, de misère… Misère !

Tant que les Québécois se comporteront comme ça, ils risquent peut-être un jour de finir en 55e état américain, jamais en tout cas comme un peuple convaincu de la légitimité de son existence…

MISE À JOUR : 2009-02-19 — 13h20

Voici la copie exacte de mon commentaire, à la suite de celui de Hortensia qui m’a obligé à réfléchir encore plus et à préciser ma pensée, ce qui est loin d’être mauvais 🙂

Que la reconstitution soit annulée, soit ! Au rythme où allaient les choses, on ne pouvait plus vraiment continuer de se chicaner pour Bataillera, Bataillera pas, ou Commémorera ou commémorera pas…

1759 est une défaite, oui, mais une défaite qui est devenue malgré elle symbole de LA défaite. Avant les Plaines en 1759, il y a eu incendies sauvages le long du fleuve, par les Anglais. Dégueulasse, oui, comme toute guerre, d’accord ! La vraie perte, le passage des colons français aux Anglais, ce fut en 1763, quand les hautes instances ont décidé de laisser la neige pis le frette aux Anglais qui, comme disait mon prof d’histoire (un Belge !) en 4e sec., très fairplay, ont laissé deux “petites chiures de mouches” à la France, soit St-Pierre et Miquelon.

Par la suite, les Canadiens-Français (comme on les nommait à l’époque) ont été oppressés, oui. Mais ils ont continué d’exister malgré tout, survivants jusqu’au fond de leur âme. Ils ont continué de croire en mieux et ça a donné le peuple que nous sommes, avec sa mentalité complexe (comme toute réalité d’ailleurs pour peu qu’on analyse ou qu’on creuse un temps…) Ceci aura aussi probablement eu comme conséquence paradoxale un mode de vie toujours un peu teinté de survie, un complexe d’infériorité collective face à l’anglo-conquérant, un complexe duquel on se sort tranquillement (longue longue révolution plutôt évolution tranquille à laquelle je faisais allusion), tentant de continuer d’être de plus en plus souverain, culturellement parlant surtout, puisque sans culture, un peuple disparait.

Tout ceci à côté d’un ROC (rest of Canada) perplexe qui ne peut comprendre, car il a toujours été de l’autre côté.

Voilà pourquoi j’espérais secrètement qu’on finisse par célébrer quelque chose de positif, soit la lente, très lente (trop peut-être) re-prise en main après avoir mangé la claque et le pain noir. Célébrer la survie de ce moment qui a donné la vie d’aujourd’hui et l’ouverture plus grande, malgré ses grandes imperfections et son bout de chemin qui reste à faire.

Voilà pourquoi j’affirme qu’à partir de 1759, (ok disons quelques années plus tard peut-être, mettons, le temps de digérer la “claque sua gueule”), on a commencé à ne pas se soumettre totalement et donc, à ne pas se laisser asservir, voire assimiler.

Maintenant qu’on est rendu à une ère mondiale (la planète a beaucoup rapetissé depuis 250 ans – surtout le dernier 12-15 ans), on peut-tu passer à un autre mode que celui de victime ? C’est de ça dont j’ai voulu, maladroitement, parler…

9 Replies to “Finalement, les Plaines seront vides”

  1. C’est le sourire aux lèvres que, moi Français de France, Auvergnat d’Auvergne, j’écris ce commentaire.

    Je m’étonne toujours, avec bienveillance, des nationalismes/corporatismes.

    A l’heure de la mondialisation, de l’échange instantané d’un continent à l’autre, d’une culture à l’autre, je suis émerveillé qu’il y ait encore des gens dont la sensibilité, la culture, fortement ancrées dans une communauté de vie les poussent à défendre cette dernière.

    Moi qui suis fils unique, je suis quelque peu étranger à cette notion solidaire pour une simple question d’appartenance culturelle…
    Parce qu’à moins que je me fourre, Sylvain, il s’agit bien de celà, par opposition à une appartenance ethnique… ?

  2. Vraiment pas d’accord avec toi aujourd’hui. La bataille des Plaines d’Abraham, c’est un symbole culturel important pour les Québécois. Qu’on le veuille ou pas, c’est celui d’une défaite qui nous a amenés à être complètement asservis par les Anglais. Pour ma part, je suis satisfaite de l’annulation de la reconstitution. Assumer le passé, c’est une chose, faire un party costumé pour fêter ça (et attirer les touristes), ce serait vraiment une récupération historique aberrante. Montcalm et Wolfe qui se donnent la main en souriant, comme s’ils venaient de jouer une partie de golf, c’est travestir l’histoire. Par contre, il est intéressant de parler de l’événement, mais d’une manière appropriée (conférence, colloque, réflexion, etc.). Ce n’est pas être looser, c’est avoir le respect de soi.

  3. Bon… Hortensia, tu m’obliges à réfléchir encore plus et à préciser ma pensée, ce qui est loin d’être mauvais 🙂

    Que la reconstitution soit annulée, soit ! Au rythme où allaient les choses, on ne pouvait plus vraiment continuer de se chicaner pour Bataillera, Bataillera pas, ou Commémorera ou commémorera pas…

    1759 est une défaite, oui, mais une défaite qui est devenue malgré elle symbole de LA défaite. Avant les Plaines en 1759, il y a eu incendies sauvages le long du fleuve, par les Anglais. Dégueulasse, oui, comme toute guerre, d’accord ! La vraie perte, le passage des colons français aux Anglais, ce fut en 1763, quand les hautes instances ont décidé de laisser la neige pis le frette aux Anglais qui, comme disait mon prof d’histoire (un Belge !) en 4e sec., très fairplay, ont laissé deux “petites chiures de mouches” à la France, soit St-Pierre et Miquelon.

    Par la suite, les Canadiens-Français (comme on les nommait à l’époque) ont été oppressés, oui. Mais ils ont continué d’exister malgré tout, survivants jusqu’au fond de leur âme. Ils ont continué de croire en mieux et ça a donné le peuple que nous sommes, avec sa mentalité complexe (comme toute réalité d’ailleurs pour peu qu’on analyse ou qu’on creuse un temps…) Ceci aura aussi probablement eu comme conséquence paradoxale un mode de vie toujours un peu teinté de survie, un complexe d’infériorité collective face à l’anglo-conquérant, un complexe duquel on se sort tranquillement (longue longue révolution plutôt évolution tranquille à laquelle je faisais allusion), tentant de continuer d’être de plus en plus souverain, culturellement parlant surtout, puisque sans culture, un peuple disparait.

    Tout ceci à côté d’un ROC (rest of Canada) perplexe qui ne peut comprendre, car il a toujours été de l’autre côté.

    Voilà pourquoi j’espérais secrètement qu’on finisse par célébrer quelque chose de positif, soit la lente, très lente (trop peut-être) re-prise en main après avoir mangé la claque et le pain noir. Célébrer la survie de ce moment qui a donné la vie d’aujourd’hui et l’ouverture plus grande, malgré ses grandes imperfections et son bout de chemin qui reste à faire.

    Voilà pourquoi j’affirme qu’à partir de 1759, (ok disons quelques années plus tard peut-être, mettons, le temps de digérer la “claque sua gueule”), on a commencé à ne pas se soumettre totalement et donc, à ne pas se laisser asservir, voire assimiler.

    Maintenant qu’on est rendu à une ère mondiale (la planète a beaucoup rapetissé depuis 250 ans – surtout le dernier 12-15 ans), on peut-tu passer à un autre mode que celui de victime ? C’est de ça dont j’ai voulu, maladroitement, parler…

  4. On ne fête pas les défaites d’habitude, pas plus que le perdant de la coupe Grey ou de la coupe Stanley ne fait une parade dans la ville. Par contre, pour le passage de la Nouvelle-France aux mains des Britanniques, ça ne s’est pas passé sur les plaines, mais dans palais royal où Louis XIV a cédé la N-F aux anglais, avec les fourrures, pour garder les Antilles et le sucre afin de régler la Guerre de 7 ans.

  5. Effectivement Yves, c’est pas mal ça !

    Donc, pourquoi se concentrer sur une bataille accessoire dans une guerre (de 7 ans) qui est devenu un symbole de défaite d’un peuple, malgré que ce peuple ait survécu !

    Peut-on célébrer autre chose, prendre conscience qu’on est ce peuple de survivants et que maintenant nous vivons à part entière et que nous devons rester vigilants pour garder notre culture et notre langue ?

    Servons-nous de l’histoire pour aller de l’avant et non pour nous plaindre et jouer aux victimes. Simple à dire, pas facile à changer, cette mentalité !

  6. Ton point de vue est clair, mais notre perception des événements diffère.
    Pour ma part, si l’on veut célébrer notre survivance, je pense qu’il faut le faire dans un autre contexte que celui de la commémoration de la bataille des Plaines d’Abraham. Tout simplement. On ne peut pas escamoter une défaite qui a eu autant d’impact sur ce que nous sommes sous le tapis, même si nous avons survécu pour en parler. Pour moi, ce serait un manque de conscience historique. Ceci dit, je n’ai rien contre le fait d’en parler, de se souvenir, mais pas d’en faire une fête pour les touristes, comme c’était présenté dans la première version du programme.

    Par ailleurs, André Juneau, le président de la Commission des champs de bataille nationaux a présenté l’annulation de la reconstitution avec tellement de démagogie (ah, les méchants et dangereux séparatistes!) cette semaine que c’en était scandaleux. Peut-être est-ce cela qui me fâche autant ? Mais je ne m’embarquerai pas plus avant dans une discussion sur la dimension politique de tout ça. Allez, je te laisse le dernier mot puisque l’on est chez toi.

  7. Puisque tu me laisses le dernier mot, je vais le prendre (ne serait-ce que pour donner de la lecture à Missmath ;-))

    Je n’ai jamais dit que de commémorer la bataille des Plaines serait le meilleur moyen de souligner l’événement, mais j’ai dit que j’aurais voulu que les Québécois puissent prendre conscience un peu plus du chemin parcouru depuis les 250 dernières années pour pouvoir mieux continuer, dans l’avenir, d’agir en “entrepreneur”, plus positivement, au lieu de s’empêtrer dans les ressentiments passés.

    Par ailleurs, je trouve que certains souverainistes agissent en extrémistes : je pense ici aux regroupements dits “patriotes” qui ont eu des propos vraiment non édifiants cette semaine. Sommes-nous (Québécois franco) obligés de répondre avec autant de “conneries” aux “conneries” passées (Anglais de l’époque) ? Je ne pense pas…

  8. Pour célébrer notre survivance, décidons polutôt de vivre et de nous faire enfin un pays???

    Mais pour ça, faut s’affirmer et il risque d’y avoir des conflits idéologiques. Une colonne vertébrale serait de mise.

    Zed

  9. Faites attention de ne pas tomber dans le discours démagogique qu’on entend souvent à Québec.

    En passant, c’est une erreur de dire que les colons en 1759 se considéraient comme Québécois. Probablement différent des Français qui venaient faire la guerre ou marchander mais pour l’époque, ils n’étaient que des Français dans une lointaine contrée. Comme les Auvergnat étaient différents des habitants de Paris ou des Bretons ou des Toulousains. La France elle-même avait des régionalismes très forts. Assez fort pour qu’en 1760, la majorité des Français ne parlaient pas français dans la métropole. Ne faites pas croire à vos étudiants que les habitants de Nouvelle-France n’étaient pas plus Français que des Serbo-Croates en 1759….

    Les quelques 60 000 habitants de la colonie ne devaient pas avoir le sentiment d’appartenance très développé. D’ailleurs, les élites conservatrice ou libérales au XIXe siècle ont toujours intégré la culture français (et non pas francophone, ce n’est pas une culture ça…) dans la définition de ce qu’était un Canadien: littérature, religion (invitation de communautés religieuses de France), influence dans les changements au code civil.

    Quand vous dites qu'”on a commencé à ne pas se soumettre totalement et donc, à ne pas se laisser asservir, voire assimiler”, vous conviendrez que c’est parce que ça été le cas après 1759. l’argumentaire tourne en rond, non? Ce n’est pas jouer à la victime. C’est seulement replacer 1759 dans son contexte, sans égard à son appartenance politique.

    “Célébrer la survie de ce moment qui a donné la vie d’aujourd’hui et l’ouverture plus grande, malgré ses grandes imperfections et son bout de chemin qui reste à faire.”
    Vous croyez vraiment que la Conquête a amené une ouverture plus grande? Si c’était vrai, on en souhaiterait une à tous les peuples de la terre!

    Sans rancune,

    Michel Vincent

Leave a Reply