De déduction d’impôts pour les profs

RentreeScolaireRécemment, lors du dépôt du dernier budget fédéral (mars 2016), le nouveau gouvernement Trudeau (Justin) annonçait que les enseignants allaient enfin pouvoir déduire une partie (15%, 150$ maximum) de leurs dépenses réalisées dans le cadre et pour leur travail, mais avec leur budget personnel.

Évidemment, cette nouvelle a suscité certains remous au sein même de la profession enseignante. Certains sont heureux de la reconnaissance d’un fait qui existe depuis très très longtemps, d’autres, bien au contraire, sont en colère que ce fait, pour les profs, de dépenser annuellement souvent plusieurs centaines de leurs dollars personnels soit ainsi “institutionnalisé” et normalisé, voire même banalisé.

Pour ma part, j’hésite encore à me positionner d’un côté ou de l’autre. Je m’explique.

Il y a très longtemps que je constate qu’un nombre assez grand de profs dépensent plusieurs centaines de dollars par année pour élaborer du matériel scolaire pour leurs élèves. (Je le constate aussi à même mon budget familial — nous sommes 2 profs à la maison). Les raisons principales tournent toutes autour du budget de classe bien trop limité pour permettre plus que ce maigre petit “ça”, qui se révèle trop vite insuffisant. Alors comme les profs aiment beaucoup (trop diront certains) leurs élèves, qu’ils veulent beaucoup (trop?) que leurs élèves réussissent tous, qu’ils veulent énormément (trop?) que leurs élèves aient en main le matériel le plus adéquat possible, ces profs n’hésitent donc pas à puiser à même leur propre portefeuille pour acheter ce matériel.

Et ceci, c’est sans compter les crayons, le papier et bien d’autres produits semblables que beaucoup de profs achètent avec leur propre argent également.

Quelques exemples :

  1. À mon école, jadis, nous avions un budget de 15$/an pour nous procurer au magasin scolaire des stylos (rouges et autres), du papier, et quelques autres babioles utiles dans l’exercice de nos fonctions. Ce montant a été aboli depuis quelques années. Alors plusieurs, plutôt que de remplir un formulaire afin de faire acheter à même un quelconque tiroir budgétaire de l’école certains de ces accessoires (et dont la pertinence de l’achat pourrait théoriquement être sujet à discussion), préfèrent acheter désormais ces objets avec leur propre argent : on gagne ainsi en rapidité et en efficacité.
  2. Parfois, dans certaines écoles, il faut fournir la liste des objets et le nom du magasin à l’avance, dans un formulaire, afin de pouvoir se faire rembourser : des profs alors décident, lors d’une visite impromptue dans un magasin, d’acheter sur-le-champ, pour pouvoir profiter d’un spécial, par exemple, mais alors la transaction se fait avec son propre argent, sans possibilité de remboursement par l’école.
  3. Dans d’autres cas, plus “extrêmes”, je connais des profs qui achètent une fois l’an un iPad pour leur classe du primaire, afin que les élèves puissent y réaliser certaines activités d’apprentissage. Oui, ça va jusque là parfois ! D’autres cas moins extrêmes : les profs qui achètent eux-mêmes des applications pour leur iPad personnel… qui sert en classe !
  4. Enfin, il y a sûrement d’autres “variantes” selon les milieux (Vous pouvez les ajouter en commentaires…)

1205208_le-numerique-pour-lutter-contre-lechec-scolaire-web-tete-021747154300Personnellement, quand j’ai décidé de prendre, en 2007, le virage numérique pour de bon (J’avais “résisté” jusque là à l’achat d’un portable, faute de budget…), je me suis acheté un ordinateur portable moi-même (en bénéficiant toutefois d’une mesure de remboursement (de ma commission scolaire) par retenue à la source pendant 2 ans : une façon de faciliter l’acquisition, mais c’est quand même moi qui paie en bout de ligne! Sans déduction fiscale.)

Je me rappelle alors avoir discuté avec le vice-président de mon syndicat (rencontré par hasard dans les couloirs de l’école) du fait que cette dépense devrait faire l’objet d’une déduction fiscale à raison du pourcentage d’utilisation de l’appareil dans le cadre de mon emploi, jusqu’à concurrence d’un seuil entre 50 et 75%. Je m’étais alors fait regarder d’une façon presque extraterrestre 😉 Mais je sais que depuis, l’idée a fait son chemin…

lenovo-ibm-thinkpad-e431-notebook-computerChemin qui a été interrompu en cours de route (!), lorsque l’ancien premier ministre du Québec, Jean Charest, annonça en grandes pompes que tous les enseignants du Québec auraient désormais un portable. Évidemment, ce que ces annonces ne disent pas, c’est que, trop souvent, l’appareil est au choix de la Commission scolaire, qui est elle-même soumise au choix du Centre de services partagés du Québec (ou autre décideur semblable dont j’ai déjà parlé ici, avec déception et presque colère), etc. Et je ne parle pas ici des lobbys parfois amis du régime au pouvoir, qui influencent parfois grandement le choix. Bref, du matériel non choisi, parfois avec des configurations barrées, dans certains milieux, etc., et qui peut répondre souvent de façon inadéquate aux besoins pédagogiques. Personnellement, je me rappelle avoir pensé et dit à ce moment que j’aimais mieux choisir l’appareil avec lequel je suis plus productif et avec lequel je peux être plus efficace plus rapidement, quitte à n’avoir accès qu’à un remboursement partiel de la valeur de l’appareil : pourquoi pas ? Apple_Macbook_Pro_15_35781448-4070Ça me semble plus logique d’aller dans le sens du choix utilisateur, selon les véritables besoins, plutôt que ce choix se fasse exclusivement en top-down où l’employé doit encore subir plutôt qu’agir avec plus d’efficacité. Bref, j’ai eu mon PC portable “de Jean Charest”, il ne sert qu’occasionnellement, et je continue d’être beaucoup plus rapide et productif avec mon Mac, voilà !

Alors pour en revenir à la déduction du gouvernement Trudeau, je trouve qu’elle ne va pas assez loin, pour ma part. Le fait des dépenses personnelles existe depuis trop d’années pour que l’on puisse revenir en arrière en un nombre suffisant d’années avant que je ne prenne ma retraite !!! Plus sérieusement, je doute fort que l’on puisse renverser la vapeur efficacement, compte tenu de plusieurs facteurs : les profs aiment trop voir réussir leurs élèves pour sacrifier environ une génération, le temps que ça prendrait sans doute pour faire valoir les revendications matérielles en lien avec les dépenses personnelles des profs pour du matériel “de bureau” (ou d’éducation et d’apprentissages).

Je sais bien, pourtant, que dans bien des corps d’emploi, l’employé ne fournit ABSOLUMENT RIEN de sa poche pour pouvoir exercer ses fonctions. Mais je sais aussi que, dans le cadre de leurs fonctions, d’autres catégories employés doivent fournir leur matériel (chauffeur de taxi qui fournit l’auto, musicien salarié qui fournit ses instruments de musique, etc.), MAIS ALORS ces employés bénéficient de déductions fiscales parfois substantielles ! DONC, les profs qui fournissent ainsi du matériel (et ils sont légion) devraient pouvoir avoir la reconnaissance de leur commission scolaire ou de leur direction, afin de pouvoir remplir le formulaire T2200 (et T777) au fédéral (TP64.3 et TP59 au provincial au QC) et ainsi bénéficier d’une déduction fiscale. Le gouvernement Trudeau a créé une “case spéciale profs” au lieu d’utiliser le T2200, d’accord, mais alors la déduction doit aller BEAUCOUP plus loin qu’un petit 15% dont le maximum est de 150$ (ce qui représente tout de même 1000$ de dépenses au départ !). De plus, cette déduction doit se faire autant au fédéral qu’au provincial (Après tout, l’éducation est une compétence provinciale, non ?).*

Voilà, au final, ce que je pense actuellement de cette mesure. Libre à vous d’en discuter ici 🙂

*NOTE : je sais, pour l’avoir vu passer sur le groupe Facebook “Enseignants et enseignantes du Québec”, qu’il y a eu discussion à propos du formulaire fédéral de “conditions d’emploi” (T2200). Au moment où j’écris ce billet, je ne sais pas encore combien de profs ont réussi à faire signer ce papier par leur employeur, mais tout cela me semble indépendant de la nouvelle mesure Trudeau dont il est question ici.

Être réseau

social-networkingÇa fait longtemps que je nourris une forme de réflexion (dans l’action) sur et à propos des réseaux sociaux. Ça fait longtemps que j’ai personnellement choisi la ligne du compte unique, où je suis moi-même en tout temps. Par exemple, sur Twitter, je diffuse, parfois beaucoup, lors de colloques où j’ai la chance d’être présent, question d’alimenter les absents, je diffuse parfois dans le cadre de ma profession, en partageant de l’information, ou encore en échangeant, en discutant avec d’autres collègues éducateurs, et enfin, parfois à titre personnel, juste pour jaser!

Tout ça avec le même compte : ce que j’appelle (pour moi, mais je respecte les choix différents du mien) la schizophrénie web, non merci, pas pour moi.

Et ainsi, au fil des ans — j’étais sur les babillards électroniques (Agora, les plus vieux se souviendront) dans les années 90, puis sur la blogosphère, twittosphère, etc., depuis 10 ans —, je me suis bâti un réseau sur le web.

Avec la mort de Jean Lapierre et avec tous les témoignages qu’on a entendus, tous empreints profondément de l’émotion innommable des circonstances de la tragédie tout aussi innommable, j’ai nourri ma réflexion à propos de cet homme très apprécié (et cette appréciation n’est pas du “fake posthume” qu’on voit parfois à la mort de certains!). Il m’apparaît clairement que Jean Lapierre, fortement présent sur les réseaux sociaux (Twitter et Facebook), était vraiment un gars de réseaux. En fait, les réseaux sociaux, pour lui, n’ont été que la continuité de son réseautage amorcé et construit depuis des décennies, en étant simplement proche des gens, les “petits” comme les grands. Ce genre de réseau se construit une personne à la fois, de façon authentique et sincère. Ma conclusion est qu’un tel réseau ne peut se construire sans qu’on s’intéresse profondément aux gens qui composent et qui forment ce réseau, un tel réseau ne peut exister sans ce que je nomme les échanges véritables et humains.

NetworkingEt ça m’a naturellement amené à la façon avec laquelle les “gestionnaires de communautés” —comme le veut le titre consacré à cette fonction de plus en plus présente dans les entreprises— sont parfois présent sur les réseaux sociaux. [Ici, je me dois de souligner le très bon texte de Sylvain Grand’Maison où il aborde cette question, principalement son point 2]. Quand tu es présent sur les réseaux sociaux juste pour faire ton “pitch” de vente, sans jamais échanger avec les gens, quand tu ne fais que diffuser tes lignes et tes phrases pré-écrites, ne t’attends pas à développer un réseau signifiant. Il y a peut-être quelques méga-vedettes qui peuvent parfois le faire et être suivies par des milliers de personnes, mais encore ici, on ne parle pas d’échange et de discussions avec les gens. Ça reste alors une “machine” qui débite son information à coup de 140 caractères à la fois, mais on ne peut pas parler de véritable réseau. Dans un véritable réseau, les mots, les informations, les opinions, les discussions circulent dans les deux sens. Si tu veux bâtir un vrai réseau, implique toi, échange avec les gens, les êtres humains, sois toi-même, authentique, vrai, point final. Alors pour une entreprise, ça peut vouloir dire que la personne responsable de la communication aux réseaux s’implique plus, en défendant bien sûr la ligne de pensée de son entreprise, oui, mais il faut alors qu’elle y croie, qu’elle y adhère et qu’elle s’implique en tant que personne humaine, qui échange avec d’autres humains. J’ai déjà croisé sur les réseaux de telles personnes, mais pas en si grand nombre que ça, parmi les gens de communications !

Pour en revenir à Jean Lapierre, en terminant, je dirais que sa façon de faire réseau, sa façon d’être en réseau est que, finalement, l’homme était réseau. Être réseau tout court. Personnellement, j’en retire une sorte de “modèle” que j’apprends à connaître à titre posthume (je n’ai malheureusement jamais rencontré ce personnage qui n’en était pas un, parce que vrai en tout temps), et qui me montre que, finalement, je pense avoir choisi la bonne route en privilégiant constamment le contact humain avant toute chose, sur les réseaux sociaux comme dans la vraie vie.

P.S.: Mes sympathies aux gens de la famille Lapierre qui restent, ainsi qu’à ses (nombreux) amis…